L’esclavage en Terre d’Islam

Dans l’esprit de beaucoup l’esclavage est une affaire de mauvais Blancs, aujourd’hui rongés par les remords et la culpabilité. La traite ? Des négriers patibulaires ou des planteurs de canne à sucre sans foi ni loi et cyniques. L’esclavage est en réalité la pratique la mieux partagée de la planète, un phénomène quasi universel.

Une chronique de la revue « Books », qui nous autorise à la reprendre

Captives and Companions: A History of Slavery and the Slave Trade in the Islamic World de Justin Marozzi, Pegasus Books, 2025

Pratique immémoriale, l’esclavage est béni par le Coran et les hadiths et a constitué un trait essentiel de la civilisation musulmane depuis les origines. Justin Marozzi, déjà auteur de deux livres sur l’histoire de l’islam, se concentre ici sur l’esclavage arabe et turc. Parlant l’arabe, il a pu interviewer d’anciens esclaves qui décrivent le maintien de cette tradition au Mali et en Mauritanie, jusqu’en 2024. Le roi Hassan II avait une cohorte d’esclaves pour ses services domestiques et sexuels.

Marozzi cite le clerc saoudien Sheikh Saleh al-Fawzan, présenté comme un « grand savant » sur les sites islamiques, qui déclarait au début des années 1980 : « L’esclavage fait partie de l’islam. Il fait partie du jihad, et le jihad persistera tant que l’islam perdurera. » Un marché d’esclaves a été décrit en Libye en 2017 et l’on sait que Daesh, s’appuyant sur les textes sacrés, a organisé un trafic d’esclaves yézidis. Pour autant, Marozzi « prend soin de ne pas faire de son livre une polémique anti-islam », écrit Gerard Russell dans le Financial Times. Si le commerce des esclaves dans le monde musulman a été d’ampleur comparable à la traite des Noirs organisée par les Européens, il s’en distingue par plusieurs aspects. Il ne concernait pas que des Noirs et n’était pas incompatible avec l’accession d’esclaves à un haut statut social, davantage même que dans l’Antiquité grecque. La moitié des grands vizirs étaient d’anciens esclaves.