Chaque année, de nouvelles séries télévisées coïncident avec la fête religieuse du Ramadan. Et souvent chaque année, ces films provoquent des polémiques
L’audience des chaînes de télévision avec le Ramadan augmentait d’environ 80%
Pendant le mois du Ramadan, après le coucher du soleil, les restaurants ouvrent et les familles se réunissent pour rompre le jeûne. Les membres de chaque famille demeurent éveillés tard et l’une des activités les plus populaires du soir consiste à allumer la télévision et à suivre le dernier épisode d’une nouvelle série télévisée.
Une enquête commandée par Netflix en 2018 a révélé que, pendant le Ramadan, l’audience des chaînes de télévision augmentait d’environ 80%. Cette hausse du nombre de téléspectateurs explique la concurrence à laquelle se livrent les chaînes pour bénéficier du plus grand nombre possible de spots publicitaires dont les prix sont multipliés par trois.
Chiites contre sunnite
Mondafrique avait déjà évoqué le cas de « Muawiya », une série sur un personnage clé de l’histoire de l’islam qui provoque encore aujourd’hui la colère des chiites irakiens. Mu’awiya bin Abi Sufyan, premier calife omeyyade, considéré comme un héros par les sunnites suscite, chez les chiites, une haine encore intacte plus de mille ans après sa mort. La série est aujourd’hui interdite en Irak dont la population est composée de chiites pour plus de la moitié.
Une autre série télévisée dont la diffusion a commencé le 23 mars sur le réseau saoudien MBC suscite des réactions politiques violentes. Intitulée « Safar Barlik », cette série relate sans fards l’extrême cruauté avec laquelle l’empire Ottoman a géré ses colonies arabes cinq siècles durant. La première saison va durer tout le mois de Ramadan.
En Tunisie, le ministre de l’Education a déjà demandé qu’une série tunisienne, « Falloujah », soit bannie des écrans locaux. « Falloujah » dépeint sans fards la vie étudiante locale, met en lumière les trafics de drogue et la violence des étudiants qui vont jusqu’à battre un enseignant.
En Irak, une autre nouvelle série appelée « Al Kasser » (Le prédateur) a également été annulée par la commission fédérale de surveillance des médias parce que la fiction insulterait les tribus du sud de l’Irak, et dépeindrait leurs dirigeants comme des tyrans primitifs obsédés par le sexe et le pouvoir.
Le buzz, sinon rien
La prolifération des chaînes satellitaires arabes à partir des années 2000, a provoqué une intense concurrence entre les programmes. Au Moyen Orient comme ailleurs, pour attirer l’attention, un programme doit créer « le buzz ».
Les maisons de production et les chaînes satellitaires au Moyen-Orient ont toutefois conscience des règles avec lesquelles elles doivent jongler. Il s’agit de ne pas porter atteinte aux personnalités politiques, il ne faut pas aller contre les grandes tendances diplomatiques du pays qui diffuse la série, il faut aussi faire plaisir aux puissants tout en séduisant le grand public.
Les maisons de production veillent également au casting. Elles doivent connaître la carrière des comédiens auxquelles elles font appel, les scandales éventuels auxquels ces comédiens ont été confrontés, il faut aussi veiller à l’activité de ces comédiens sur les réseaux sociaux. Certains sont choisis en fonction du nombre de followers qu’ils ont sur Twitter tandis que d’autres sont écartés pour la même raison.
Toutes ces contraintes sont mélangées à l’obligation de trouver un sujet accrocheur au plan politique ou au plan religieux. Si le public marche pour les deux premiers épisodes, il est probable qu’il rester fidèle à la série jusqu’à la fin.
Des pharaons sans barbes
Pour créer le « buzz » les producteurs utilisent souvent des influenceurs nationaux. Une arme à double tranchant, la récrimination (non sollicitée) de l’un peut conduire à la censure. Ainsi, en Irak, un haut dignitaire religieux a fait la Une des journaux locaux en affirmant qu’il avait été offensé par le regard porté sur la femme irakienne dans une série dramatique sur les femmes arabes vivant à Londres.
En 2021, le drame historique égyptien, « El Malek » (Le roi), a été interrompu en raison des plaintes du public concernant une certaine légèreté dans la reproduction des costumes de l’époque et le fait que les pharaons ne se laissaient pas pousser la barbe.
Une série tunisienne de 2022 intitulée « Baraa » (« Innocence ») a été critiquée par les féministes tunisiennes pour la mise en valeur de la polygamie, interdite en Tunisie. Cette dernière est autorisée par le Coran, mais interdite depuis 1956 en Tunisie par le très laic Bourguiba. Depuis le début du ramadan, « Baraa » fait polémique car elle aborde deux pratiques interdites en Tunisie : la polygamie et le mariage religieux.