Ces présidents africains qui se font tirer le portrait

Le peintre Kehinde Wiley réalise en 2008 le portrait du Président Barak Obama à la demande de la National Portrait Gallery de Washington. Une commande très prestigieuse car ce musée conserve tous les  portraits des présidents des Etats Unis depuis  l’indépendance en 1789. L’artiste américain enchaine aujourd’hui en peignant des chefs d’état africain: Olusegun Obasanjo, ancien président de la République Fédérale du Nigéria en costume traditionnel; Paul Kagame, Président de la République du Rwanda, Nana Akufo-Addo, Président de la République démocratique du Ghana; Denis Sassou-Nguesso, Président de la République du Congo, bras croisés, le regard déterminé. 

Une chronique de Caroline Chaine

Portrait_of_Olusegun_Obasanjo_Former_President_of_Nigeria

En 2012, Kehinde Wiiey imagine une série de portraits de chefs d’Etat africains questionnant le rôle de l’art dans la représentation du pouvoir et  sa réception dans nos imaginaires.

Né en 1977 à Los Angeles d’un père nigérian et d’une mère afro-américaine, le peintre fait des études d’art et d’histoire à San Francisco et à Yale. En 2005, il refait  200 ans après David un Bonaparte (un homme noir en costume traditionnel) franchissant le Grand-Saint-Bernard (sur le même cheval mais les Alpes ont disparues). Un message de tolérance pour les victimes des répressions policières aux Etats Unis.

Pour réaliser son projet africain, il  voyage sur le continent, créé Black Rock Sénégal, un programme de résidence artistique à Dakar et rencontre plusieurs dirigeants à qui il propose de faire leur portrait.

Portrait_of_Sahle-Work_Zewde_President_of_Ethiopa

Afin de construire une image personnelle avec une mise en scène du pouvoir, il leur présente différents modèles de portraits européens des siècles passés qui en ont établis les codes. « Ce sont eux qui choisissent la manière dont ils veulent être représentés. Parfois, ils ont été enthousiastes face à certains éléments, parfois ils ont choisi de manière très neutre des poses royales ou militaires. Chacun était libre de choisir son costume, de fournir un décor. Chacun avait la possibilité d’exprimer sa volonté dans ce projet ».

En quarante cinq minutes, la pose est trouvée avec prise de photos. Le tableau de grand format est réalisé en atelier.

Le président ivoirien, le premier de la série

Alassane Ouattara, Président de la République de Cote d’Ivoire inaugure la série en 2016, les autres tableaux sont de 2023. Regard direct, une main sur la hanche, l’autre s’appuyant sur une épée. En arrière plan, Abidjan sous un grand ciel nuageux.

Ces Présidents  sont en costume de ville ou traditionnel, avec ou sans symbole de pouvoir (un sceptre, une épée), debout ou dans un majestueux fauteuil, encadré parfois d’un drapé rouge. Ils nous regardent. Au fond, un tissu fleuri très coloré qui parfois  déborde sur le costume ou une vue de leur capitale. Olusegun Obasanjo, ancien président de la République Fédérale du Nigéria  choisi  un costume traditionnel. Paul Kagame, Président de la République du Rwanda, les drapés, tout comme Nana Akufo-Addo, Président de la République démocratique du Ghana en costume traditionnel. Denis Sassou-Nguesso, Président de la République du Congo, est  en costume, bras croisés, le regard déterminé.

Plusieurs posent à  coté du drapeau national, Macky Sall  président de la République du Sénégal et Félix Tshisekedi,  président de la République démocratique du Congo. Faure Gnassingbé, président de la  République Togolaise, a la main gauche sur le cœur. Sahle-Work-Zewde, Présidente de la République démocratique fédérale d’Éthiopie a le regard lointain, une fleur  blanche à la main. Hery Rajaonarimampianina, ancien Président de la République de Madagascar  est à cheval devant une luxuriante forêt.  Alpha Condé, ancien président de la République de Guinée, a choisi comme fond la Galerie du Vatican à Rome avec la statue antique du Laocoon. Ce prêtre de Troie avait mis en garde ses concitoyens : « Je crains les Grecs même lorsqu’ils offrent des présents », leur disait il.  Ce cheval rempli de soldats les mena à leur perte.

« Je n’ai pas soumis mes interlocuteurs à un test de moralité, affirme le peintre. Je ne leur ai pas demandé d’avoir un certain bilan en matière de respect des droits de l’homme, de processus démocratique ou de cumul des mandats. J’ai voulu  regarder froidement le phénomène du pouvoir représenté dans l’histoire de l’art et demander à chacun de se révéler, d’engager une conversation. »