Karim Kal photographie la Kabylie la nuit avec une lampe torche

Jusqu’au 13 avril la Fondation Henri Cartier-Bresson présente les sombres images de Karim, un petit-fils de Kabyle devenu un photographe franco-algérien qui revient sur ses origines avec « Mons Ferratus ».

Un article de Caroline Chaine

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Ce grand photographe considère que la Kabylie a « résisté à l’impérialisme et à la colonisation comme si son sol ferrugineux contribuait à forger le caractère d’acier de ceux qui l’habitent ». Il la photographie la nuit, éclairée par une lampe torche. Très marqué par la peinture abstraite, la lumière sculpte ce qu’il veut donner à voir dans une approche documentaire et poétique. Les images se révèlent progressivement.

Ce sont les plantes de ces montagnes arides, la terre rouge, la poussière de sable qui inspirent la série Sol. Elles ont résisté à la guerre d’indépendance, à la guerre civile des années 1990 et aux incendies des années 2000 et retrouvent ici leur grâce et leurs couleurs. Le maquis aride est recouvert de lentisques, ces arbustes épineux qui le rendent inaccessible. Après le dernier incendie de 2023, il en a prélevé des branches et les présente en majesté auréolées d’un halo de lumière (06 Mons Ferratus © Karim Kal). La série Gravats évoque l’immigration. Ramassés sur un chantier de Tizi Ouzou puis photographiés à Saint Etienne, ces morceaux de brique font le chemin inverse des devises qui alimentent aujourd’hui des constructions en Kabylie. Ils sous-tendent l’aventure de l’immigration. Sutures évoque de manière spectaculaire la colonisation avec les agrandissements de négatifs de cranes kabyles réalisés sur plaques de verre dans les années 1870  et conservées au musée de l’homme.

Karim Kal, né en 1977, formé à l’École des Beaux-Arts de Grenoble et à l’École de photographie de Vevey (Suisse), s’est intéressé aux traces laissées par la culture et l’histoire. Comme il le rappelle, « A partir de 2001, j’ai mené un travail photographique constitué de portraits, de vues, traitant de situations, d’environnements ou de groupes d’individus. Cette série vient après celles sur les prisons, les banlieues, les hôpitaux, des espaces particulièrement déterminés par des situations de pouvoir ».

La Fondation Cartier Bresson a été créé à Paris selon les volontés des photographes Henri Cartier-Bresson, de Martine Franck son épouse et de leur fille Mélanie. Elle a été inaugurée en 2003 et conserve les fonds des deux photographes.  Elle soutient la création contemporaine en décernant, tous les deux ans, le Prix HCB attribué par un jury international dont le dernier lauréat en 2023 est Karim Kal. Pour Clément Chéroux, Directeur de la Fondation, ce projet sur la Haute Kabylie a été « choisi pour sa profondeur et son extrême qualité plastique avec une approche documentaire et un intérêt pour le réel et les problèmes sociétaux lié à la Kabylie ». Elle accueille pour ses expositions d’autres photographes mais présente touijours dans la salle d’entrée quelques photographies du couple. Actuellement et jusqu’au 13 avril 2025 une douzaine d’images parmi les plus marquantes de de la nouvelle édition de l’ouvrage, Images à la Sauvette (Fondation Henri Cartier-Bresson, juin 2024) d’Henri Cartier-Bresson