Youcef, professeur de Lettres Espagnoles à l’Université de Constantine, se heurte aux traditions d’une société qui ne pardonne pas l’écart. Entre les murs de l’université, il prône la liberté, mais son amour pour Nedjma, son étudiante, fidèle aux valeurs de la société algérienne conservatrice.
Une plongée signée Mehdi Douhi au coeur des contradictions de la société algérienne
Youcef, un Professeur de Lettres Espagnoles à l’Université de Constantine, dont la vie a été témoin du massacre de sa famille par des intégristes pendant la décennie noire, Youcef est hanté par son passé. Malgré son inclinaison mystique, il est un fervent défenseur de la raison et considère le doute comme le chemin vers la vérité et la liberté. Il lutte contre l’obscurantisme et l’intolérance, cherchant à éveiller les esprits avec des questions qui défient le fanatisme religieux.
Sa vie va prendre un nouveau tournant lorsqu’il tombe amoureux d’une de ses étudiantes, Nedjma. Youcef connaît alors un amour contrarié par le rejet de la famille de la jeune femme en raison de ses idées et de son penchant pour le vin. C’est un récit poignant sur la force de l’amour et la puissance de la parole dans un monde où la liberté est souvent mise à l’épreuve.
Mehdi DOUHI est né à Batna, une province située à l’est de l’Algérie. Issu d’une famille passionnée de langue française, de littérature, de philosophie, de psychologie et de mysticisme, il entreprend des études de Lettres Françaises à l’Université de Batna. Une fois son diplôme obtenu, il se dirige vers l’éducation et enseigne le Français Langue Étrangère (FLE) pendant huit ans.
Au fil des pages …
« Le vieux prit tendrement le violon et se mit à jouer et chanter au vent qui emportait sa voix envoûtante. Youcef était hypnotisé par le ciel pourpre et respirait à pleins poumons l’air apaisant du printemps ; dès que le vieux arriva au couplet « Nedjma ya Nedjma », les yeux de Youcef, rivés sur le verre, s’emplirent de larmes et il en versa une qui vint se mêler au vin. Il tourna sa tête vers le vieux et lui dit dans une voix étouffée : je l’aime, je l’aime ! Comme un croyant aime son dieu.
Nedjma était penchée au balcon. La brise de l’aurore effleurait son doux visage aux taches de rousseur et caressait ses cheveu x bouclés. Les yeux verts perdus à l’horizon, dans la fleur de l’âge, fraîche comme la rosée, elle arrosait les fleurs. Elle rentra à la voix aiguë et agaçante de sa mère qui la réveilla de ses rêveries.
— Cesse de rêvasser et apporte-moi mon thé au lait !
— Tout de suite, Maman.
Lala Mouni était une femme peu aimable, forte de caractère, élégante et arrogante, toujours sur son trente-et-un, même quand elle était à la maison. Maniaque de la propreté, elle ne tolérait pas de voir une miette par terre et ne laissait personne, hormis sa fille unique, franchir le seuil de la cuisine, même pas la femme de ménage qui nettoyait méticuleusement le pavillon chaque jour.
Nedjma lui apporta le thé à la salle à manger, avec des biscuits aux grains de sésames, et s’assit en face d’elle.
— Crache le morceau, lui dit-elle en la fixant avec son regard perçant.
— À vrai dire, je ne comprends pas pourquoi t’as fait ça !
— Fait quoi ?
— T’as renvoyé sa soeur, balbutia Nedjma.
— Mais t’es vraiment une tête de mule, fulmina la mère. Il est hors de question que tu sois l’épouse de cet ivrogne sans famille, et si sa sotte soeur ose remettre les pieds ici, je les lui couperai. »