En cours jusqu’au 14 avril 2025, cette édition-anniversaire du PCMMO, explore les luttes, les imaginaires et les résiliences d’un cinéma multiple, engagé et essentiel dans un monde en crise.
Depuis le 1er avril, et jusqu’au 14, le Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient bat son plein à Saint-Denis, Paris et dans plusieurs villes du Grand Paris. Cette 20e édition anniversaire est d’autant plus symbolique qu’elle cristallise deux décennies de militantisme cinéphile, de mise en lumière de voix singulières et de construction de ponts entre les rives méditerranéennes.
Initiative pionnière en matière de diffusion de cinématographies souvent marginalisées, le PCMMO a toujours défendu un cinéma de création, souvent fragile, toujours nécessaire. Pour ce cru 2025, les organisateurs ont vu les choses en grand, réunissant films culte, avant-premières, documentaires politiques, expérimentations visuelles et courts métrages en compétition, sans oublier les rencontres, masterclass, concerts, expositions et tables rondes.
Une édition sous le signe de la Palestine
Cette année, la Palestine est à l’honneur avec la présence exceptionnelle du cinéaste Rashid Masharawi, figure majeure du cinéma palestinien contemporain. Né dans le camp de réfugiés de Shati à Gaza, Masharawi s’est imposé comme un témoin du réel et un bâtisseur d’imaginaires. Invité d’honneur du festival, il a présenté trois films majeurs : L’anniversaire de Leila, Songe, et From Ground Zero, une œuvre collective supervisée par lui, réunissant 22 courts métrages tournés à Gaza après les bombardements de 2023. À travers son travail, Masharawi rappelle que filmer est un acte de survie, de mémoire et de résistance. Son projet From Ground Zero, sélectionné aux Oscars dans deux catégories, donne la parole à des artistes gazaouis en plein chaos : un cinéma au bord du gouffre qui n’abdique pas. L’émotion suscitée par ses interventions dans les salles du Cinéma L’Écran à Saint-Denis restera comme l’un des temps forts de cette édition.
Une programmation engagée
Ce qui frappe dans le programme en cours, c’est l’extrême diversité des formats, des langues et des lieux. Pas moins de sept cinémas participent à l’événement, de Saint-Denis à Ivry-sur-Seine, en passant par Paris, Aubervilliers, Saint-Ouen et l’Université Paris 8. Cette géographie éclatée épouse le territoire du Grand Paris et reflète la volonté d’un festival profondément ancré dans la réalité sociale d’une région cosmopolite. Les films projetés jusqu’au 14 avril embrassent un large éventail de thématiques : exil, guerre, mémoire, résistance féminine, migrations, effondrement économique ou renaissance intime. Demain, mardi 8 avril, plusieurs moments forts sont à noter : un programme de courts métrages Regards croisés signé Rayane Mcirdi et Randa Maroufi au Cinéma L’Écran (Saint-Denis), et la projection de Nahla de Farouk Beloufa à l’Université Paris 8.
Archives en partage
Autre moment marquant du festival : la table ronde Qui racontera l’Histoire ? tenue le 6 avril et animée par Léa Morin, avec les artistes Touda Bouanani et Ali Essafi, parrain et marraine de cette édition. Ensemble, ils ont débattu de l’importance de la mémoire cinématographique, de la transmission des archives dans les pays du Sud global, et du rôle des femmes dans la constitution des récits alternatifs. Cette réflexion se prolonge dans l’exposition Filiations, visible toute la durée du festival, où des artistes comme Denis Dailleux, Samiyah, Amira Yaakoubi et Nadia Aoi Ydi interrogent les héritages visuels et les transmissions intimes. Une exposition qui résonne avec les films documentaires montrés cette année, notamment Dans le cœur une hirondelle de Rima Samman ou Les Miennes de Samira El Mouzghibati, qui interrogent la mémoire familiale à travers la caméra.
Quand le cinéma devient manifeste
Impossible enfin de passer sous silence le souffle politique de cette édition. De Diaries from Lebanon de Myriam El Hajj, plongée dans la désillusion de la jeunesse libanaise, à Transient Happiness de Sina Muhammad, ode douce-amère à la vieillesse en temps de guerre, les œuvres proposées interrogent notre époque, ses ruptures, ses colères, ses espérances ténues. Le documentaire Un médecin pour la paix de Tal Barda, consacré au docteur Izzeldin Abuelaish – dont la maison fut détruite lors d’un bombardement israélien- a bouleversé le public. Par son courage et son humanisme, ce film synthétise l’esprit du PCMMO : faire du cinéma un lieu de témoignage et de réparation.
Un anniversaire sous tension
Vingt ans après sa naissance, le PCMMO confirme qu’il est bien une maison commune pour les cinéastes du Maghreb et du Moyen-Orient, un carrefour de pensées critiques et d’utopies visuelles. Alors que la violence explose au Proche-Orient et que les discours identitaires ferment les horizons, le PCMMO oppose la complexité, la beauté, l’altérité. En rendant visibles des films que peu de circuits commerciaux diffusent, le festival regarde vers l’avenir.