La bataille de Mogadiscio est une bataille qui s’est déroulée les 3 et à Mogadiscio, en Somalie, entre un détachement interarmées américain appelé Task Force Ranger et les milices de différents clans somaliens, lors d’une tentative d’arrêter deux proches d’un chef de guerre somalien, le général Mohamed Farrah Aidid.
Cette bataille a été appelée « The Battle of the Black Sea » par les soldats américains (« La bataille de la mer Noire », du nom d’un quartier de Mogadiscio) et « Maalintii Rangers » (« Le jour des Rangers ») par les Somaliens.
Netflix revisite la bataille de Mogadiscio en mettant en ligne « Surviving Black Hawk Down », une série documentaire en trois parties, disponible dès le 10 février 2025. Pour la première fois, les voix somaliennes s’ajoutent aux témoignages américains pour éclairer ce tournant historique de la politique étrangère américaine.
![](https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2025/02/Black_Hawk_Down_Super64_over_Mogadishu_coast.jpg)
Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique
Longtemps racontée à travers le prisme américain, notamment dans le film de Ridley Scott Black Hawk Down (2001), la bataille de Mogadiscio trouve enfin une perspective équilibrée. Netflix s’attaque à cet événement historique avec une série documentaire qui confronte les témoignages des Rangers, des Delta Force et des civils somaliens, révélant une réalité plus complexe que le récit héroïque popularisé par Hollywood.
L’opération « Gothic Serpent », qui devait initialement durer une heure, s’est transformée en un affrontement sanglant de vingt-quatre heures. Le 3 octobre 1993, les forces américaines, déployant 160 hommes, 19 avions et 12 véhicules, tentent de capturer deux lieutenants clés du général Mohamed Farrah Aidid dans le quartier de Bakara. Mais les milices somaliennes, armées de lance-roquettes RPG-7 soviétiques et organisées en petites unités mobiles, parviennent à abattre successivement trois hélicoptères Black Hawk. Le bilan est lourd : 18 soldats américains tués, 73 blessés et entre 133 et 700 morts du côté somalien.
Le contexte de cette intervention était particulièrement tendu. En 1991, la chute du dictateur Siad Barre, après 22 ans de pouvoir, plonge la Somalie dans une guerre civile. La famine qui s’ensuit fait 300 000 morts et pousse l’ONU à lancer l’opération « Restore Hope » en décembre 1992. Washington envoie initialement 28 000 hommes dans le cadre de cette mission humanitaire, mais l’objectif se transforme rapidement en une traque d’Aidid, accusé de détourner l’aide alimentaire.
La série met en lumière les témoignages inédits des civils de Mogadiscio. Ils racontent comment les bombardements américains sur la ville, visant les positions présumées d’Aidid, ont progressivement transformé une population initialement reconnaissante de l’aide humanitaire en opposants farouches à la présence militaire étrangère. Les interviews des anciens combattants somaliens révèlent leur organisation tactique sophistiquée, loin de l’image de miliciens désordonnés véhiculée jusqu’alors.
L’échec de Mogadiscio bouleverse la doctrine militaire américaine. Le « Syndrome de la Somalie » conduit l’administration Clinton à refuser toute intervention au Rwanda en 1994, malgré les alertes du général Roméo Dallaire sur l’imminence du génocide. Cette paralysie ne sera surmontée qu’après le 11 septembre 2001, avec une nouvelle approche privilégiant les forces spéciales et les drones, comme en témoigne la création de l’Africom en 2007.
Surviving Black Hawk Down dévoile également le rôle méconnu des forces maliennes et pakistanaises de l’ONU dans le sauvetage des soldats américains encerclés. La série explore les conséquences durables de cette bataille sur la Somalie : l’effondrement définitif de l’État, la montée des Tribunaux islamiques puis des Shebabs, et la persistance du chaos que l’intervention américaine était censée résoudre.
La série s’appuie sur des archives inédites, notamment des images tournées par les médias somaliens et des documents militaires déclassifiés. On y découvre les communications radio entre les pilotes des Black Hawk et leur base, révélant la confusion qui régnait pendant l’opération. Des séquences filmées par les habitants montrent également l’ampleur des dégâts dans le quartier de Bakara, où la majorité des combats se sont déroulés.
Le documentaire révèle aussi le rôle crucial des femmes somaliennes pendant la bataille. Plusieurs témoignent avoir caché des soldats américains blessés, risquant leur vie face aux milices. D’autres racontent comment elles ont organisé des réseaux d’information pour prévenir les civils des zones de combat.
La série explore également les conséquences psychologiques durables sur les vétérans américains et les habitants de Mogadiscio. Plusieurs Rangers, aujourd’hui engagés dans des associations d’anciens combattants, ont fait le voyage en Somalie pour rencontrer leurs anciens adversaires. Ces retrouvailles, filmées pour la première fois, offrent des moments de réconciliation poignants et une réflexion profonde sur la nature de la guerre.
L’héritage de la bataille de Mogadiscio continue d’influencer la formation des forces spéciales américaines. L’incident a conduit à une refonte complète des procédures d’évacuation en zone urbaine et au développement de nouvelles tactiques de combat en ville, désormais enseignées dans toutes les académies militaires américaines.
En donnant la parole aux Somaliens, le documentaire de Netflix ne réécrit pas seulement l’histoire d’une bataille, il interroge les fondements mêmes des interventions militaires occidentales en Afrique et leurs conséquences imprévues sur les populations locales.