Avec Amin, Samir Toumi livre un roman-enquête haletant, variation algérienne du mythe de Faust, qui explore les arcanes du pouvoir et les paradoxes d’une société en mutation.
Le 7 novembre 2025, le paysage littéraire maghrébin s’enrichit d’une nouvelle voix singulière avec la sortie d’Amin, le second roman de l’écrivain algérien Samir Toumi, publié en coédition méditerranéenne chez Barzakh et Elyzad. Avec ce récit, Toumi propose une variation moderne et originale du mythe de Faust, plongée au cœur d’une Algérie saisie dans ses contradictions, ses puissances occultes et ses silences. À travers la trajectoire d’un écrivain en quête de sens, l’auteur explore sans concession les maux et les aspirations de la société algérienne du XXIe siècle.
Un pacte faustien
Le roman s’ouvre sur Djamel B., quadragénaire à succès mais désormais taraudé par la panne d’inspiration. Un soir, alors que la ville bruisse de rumeurs et de non-dits, un homme mystérieux, Amin, l’aborde et lui propose un marché diabolique : pénétrer les arcanes du « système » algérien pour écrire le roman qui le dénoncera. Le contexte s’y prête : en 2010, l’Algérie semble au bord d’un basculement, les réseaux de pouvoir s’effritent tandis que la société gronde en sourdine.
Djamel accepte ce pacte, qui l’entraîne dans une enquête aux allures de polar, de la haute société d’Alger à la Kabylie, en passant par les rivages plus sombres de Moretti. Au fil de son parcours, il croise une galerie de personnages hauts en couleur, tous emblématiques d’un pays où l’argent, la drogue, la jouissance et la corruption s’entremêlent : Madame Samira, experte en fêtes secrètes ; Abdelkader, parvenu brutal et sans scrupule ; Sissy, avocate aussi redoutable que désabusée. Entre ces figures parfois grotesques, parfois tragiques, se dessine une Algérie en proie à la décadence et à la fascination du pouvoir.
Une société disséquée sans complaisance
À travers la trajectoire de son personnage principal, Samir Toumi ausculte les mécanismes de l’oligarchie, ce « système » tentaculaire où politiciens et hommes d’affaires règnent sur les destinées d’un peuple souvent relégué à la marge. Mais Amin va plus loin qu’une simple dénonciation : c’est aussi le récit d’une prise de conscience, d’un affrontement intime avec la tentation et la compromission. Toumi propose un portrait sans détour de la société algérienne, où le silence des uns nourrit le cynisme des autres, et où l’écrivain lui-même doit interroger sa place, sa mission, ses faiblesses.
La construction du roman, subtilement policière, renforce la tension : qui manipule qui, dans ce théâtre d’ombres ? Jusqu’où Djamel est-il prêt à aller pour retrouver sa voix et, peut-être, sauver son âme ? Derrière le décor, c’est tout un système de pouvoir, de rumeurs, de fausses vérités qui vacille sous la plume acérée de Toumi.
Une fable contemporaine
Avec Amin, Samir Toumi confirme son talent à explorer les paradoxes d’une société algérienne à la fois vibrante et désenchantée. Il interroge, au passage, le rôle de l’écrivain dans la Cité : témoin, complice ou victime ? Face à la fabrique de la rumeur et aux enjeux éthiques du témoignage, Djamel – et, à travers lui, Toumi – invite le lecteur à s’interroger sur le prix du courage et le sens de l’engagement littéraire. L’écriture, vive et précise, capte les pulsations d’Alger, ses nuits moites, ses fêtes troubles, mais aussi la nostalgie d’un monde qui pourrait basculer vers la lumière. Les scènes s’enchaînent comme autant de séquences de cinéma, avec une virtuosité et un sens du rythme dignes des grands polars.
L’auteur : Samir Toumi
Né en 1968, Samir Toumi vit et travaille à Alger, où il dirige une entreprise de conseil. Il s’est imposé dès son premier livre, Alger, le cri (2013), puis son roman L’Effacement (2016), adapté au cinéma par Karim Moussaoui et salué par la critique française (Le Monde, France Culture…). Amin est son deuxième roman.




























