L’Algérie accorde la grâce à Boualem Sansal après une médiation allemande

Après un an d’incarcération, l’Algérie a accepté, pour raisons humanitaires, de gracier l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Cette décision intervient après une demande officielle de l’Allemagne, ouvrant la voie à son transfert pour soins médicaux.


 Boualem Sansal, écrivain franco-algérien

L’annonce était attendue, elle est désormais officielle : mercredi 12 novembre 2025, la présidence algérienne a confirmé, par communiqué, qu’elle accordait une grâce à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu depuis un an à Alger. À la demande du président allemand Frank-Walter Steinmeier, le chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, a décidé de répondre favorablement à cette sollicitation, invoquant des « motifs humanitaires ». Ce geste d’ouverture met un terme à plusieurs mois de tensions diplomatiques entre l’Algérie, la France et l’Allemagne autour du sort d’une des figures majeures de la littérature maghrébine contemporaine.

Boualem Sansal, 76 ans, avait été arrêté en novembre 2024 à son arrivée à Alger en provenance de Paris. L’auteur de Le Village de l’Allemand et 2084 : La fin du monde était accusé d’« atteinte à l’unité nationale », de « mise en danger de l’intégrité du territoire » et d’« intelligence avec une puissance étrangère ». Son procès, tenu en mars 2025, s’était soldé par une condamnation à cinq ans de prison ferme, verdict confirmé en appel en juillet. De nombreuses voix, en France, en Allemagne et parmi la communauté intellectuelle internationale, avaient dénoncé une atteinte flagrante à la liberté d’expression et un procès politique visant à réduire au silence un écrivain critique du pouvoir algérien.

L’affaire Sansal a rapidement pris une dimension diplomatique, exacerbée par les relations souvent complexes entre Alger et Paris, et plus récemment avec Berlin. La mobilisation en faveur de la libération de l’écrivain, gravement malade, s’est intensifiée à mesure que son état de santé se dégradait, poussant ses soutiens à alerter l’opinion publique sur l’urgence d’un geste humanitaire.

L’Allemagne à la manœuvre, la France soulagée

C’est finalement l’Allemagne, via l’intervention directe du président Steinmeier, qui a débloqué la situation. Lundi 10 novembre, ce dernier avait exhorté son homologue algérien à faire preuve de clémence envers Boualem Sansal, mettant en avant son âge avancé et sa santé fragile. Dans sa lettre, le président allemand proposait explicitement le transfert de l’écrivain en Allemagne afin qu’il puisse y recevoir des soins médicaux appropriés.

Le communiqué algérien, publié mercredi, entérine cette issue : « Le président Abdelmadjid Tebboune a répondu favorablement à la demande de son homologue allemand concernant l’octroi d’une grâce en faveur de Boualem Sansal. Il a réagi à cette demande, qui a retenu son attention en raison de sa nature et de ses motifs humanitaires. »

En France, la réaction n’a pas tardé. Premier responsable politique à commenter la nouvelle, le Premier ministre Sébastien Lecornu a exprimé son « soulagement », saluant un « dénouement rendu possible par une méthode faite de respect et de calme ».

Une décision à portée politique et symbolique

La libération prochaine de Boualem Sansal dépasse largement le cas individuel. Elle constitue un signal politique adressé aux partenaires européens de l’Algérie, qui subissait une pression croissante sur le terrain des droits humains. Pour Alger, il s’agit de montrer son ouverture à un dialogue avec l’Europe, tout en affichant une gestion souveraine de ses affaires intérieures.

Ce geste humanitaire intervient également dans un contexte délicat : la situation des libertés publiques en Algérie reste source d’inquiétude, et la société civile continue de réclamer davantage de garanties pour la liberté d’expression. Le cas Sansal, symbole de la répression des voix critiques, met en lumière les marges de manœuvre mais aussi les limites du régime algérien face à la mobilisation internationale.

Un transfert à organiser

Si la décision de grâce est officielle, le calendrier du transfert de Boualem Sansal en Allemagne n’a pas été précisé. Les modalités concrètes de sa libération et de son accueil à l’étranger devraient faire l’objet d’une coordination étroite entre les autorités algériennes, allemandes et françaises.

En attendant, la famille, les soutiens et la communauté littéraire internationale espèrent désormais que l’écrivain pourra se rétablir et retrouver la liberté de parole qui a toujours été la sienne. Au-delà de son cas, l’histoire de Boualem Sansal rappelle à quel point la défense des droits humains et de la liberté d’expression demeure un combat d’actualité, en Algérie comme ailleurs.