C’est la fin du feuilleton Libye – Nigeria. Alors que les deux pays devaient s’affronter pour un match comptant pour les éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025, il y a un peu plus de 15 jours, le Nigeria, livré à lui-même dans un aéroport abandonné pendant plus de 16 heures, avait décidé de passer son tour en craignant pour sa sécurité. Ce samedi 26 octobre, la Confédération Africaine de Football (CAF) a donné la victoire sur tapis vert aux Super Eagles
Patrick Juillard
La Confédération africaine de football a rendu son verdict dans l’affaire du match Libye – Nigeria, que les visiteurs avaient refusé de jouer en raison d’un accueil indigne. L’instance a donné match perdu aux hôtes de cette rencontre de la quatrième journée des éliminatoires de la CAN 2025, qui aurait dû se jouer le mardi 15 octobre dernier à Benghazi. « Le match n°87 Libye – Nigeria des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations CAF TotalEnergies 2025 (…) est déclaré perdu par forfait par la Libye (sur le score de 3-0) », indique l’instance panafricaine après la réunion de son jury disciplinaire. La Fédération libyenne de football se voit reprocher d’avoir « enfreint l’article 31 du règlement de la CAN », relatif aux conditions d’accueil des adversaires, ainsi que les articles 82 et 151 du code disciplinaire de la CAF. La Fédération libyenne devra en outre régler « dans les 60 jours » une amende de 50.000 dollars (46.300 euros environ).
Les choses n’ont donc pas traîné dans cette affaire, dont la Confédération africaine de football s’était saisie avec célérité au moment des faits. Alors qu’il était en approche de Benghazi, ville d’accueil du match, l’avion des joueurs du Nigeria avait été dérouté vers la ville d’Al-Abraq, située à plus de trois heures de route de la Cyrénaïque. Les joueurs et leurs encadrants avaient alors été retenus plus de quinze heures durant dans un aéroport désert et coupé du monde. Les photos et vidéos des joueurs vice-champions d’Afrique avaient fait le tour des réseaux sociaux.
Les Super Eagles dans « une situation d’otages »
« Le gouvernement libyen a annulé notre autorisation d’atterrissage à Benghazi sans aucune raison. Ils ont verrouillé les portes de l’aéroport et nous ont laissés sans téléphone, sans nourriture ni boisson. J’en ai vécu des choses avant les matchs à l’extérieur en Afrique mais c’est un comportement honteux », s’était ensuite plaint le défenseur et capitaine William Troost-Ekong dans une série de messages postés sur le réseau social X (anciennement Twitter). « Le gouvernement a annulé notre atterrissage à Benghazi sans aucune raison. Ils ont verrouillé les portes de l’aéroport en nous laissant sans connexion téléphonique, sans nourriture ni boisson. C’était, on peut le dire, une situation d’otages », avait renchéri l’ailier Moses Simon.
La Fédération libyenne s’était alors déclarée « profondément préoccupée », avançant que « de tels incidents peuvent survenir en raison des protocoles de contrôle de routine du trafic aérien, des contrôles de sécurité ou des difficultés logistiques qui affectent le transport aérien international ». Et d’ajouter qu’il n’y avait « aucune raison d’accuser les équipes de sécurité libyennes ou la Fédération libyenne d’avoir délibérément orchestré l’incident ». La plaidoirie n’a donc pas convaincu la CAF.
La CAF change de jurisprudence
Ainsi s’achève une saga commencée avant le match aller, remporté par le Nigeria (1-0). La veille, les joueurs de la Libye et leurs encadrants avaient dû patienter plusieurs heures à l’aéroport de Port-Harcourt avant de pouvoir rallier Uyo, lieu de la rencontre. Les autorités nigérianes avaient alors mis cette attente sur le compte d’un changement de dernière minute du plan de vol de leurs adversaires. Estimant sans doute que la Libye n’était pas pour rien dans le traquenard aéroportuaire tendu au Nigeria, la Confédération africaine de football a donc enfin mis un feu rouge à ces tentations de surenchère. Un sursaut bienvenu après la complaisance montrée envers la Sierra Leone au printemps 2021 : après avoir bidonné les tests Covid de son adversaire béninois pour le contraindre au forfait, le petit pays diamantifère avait eu le bénéfice du doute et le droit de rejouer son match des éliminatoires de la CAN, pour finir par se qualifier.
Ce tournant de jurisprudence a de quoi faire réfléchir tous les pays tentés d’user de pareilles méthodes pour déstabiliser un adversaire. A commencer par la Libye, qui avait retrouvé en mars 2021 le droit de recevoir après une quasi-décennie d’expatriation forcée en raison de la situation sécuritaire précaire régnant sur son territoire. À la suite de cette sanction, le Nigeria consolide sa place de leader du groupe D des éliminatoires de la CAN 2025. Désormais nantis de 10 points, les Super Eagles devancent le Bénin (6), le Rwanda (5) et la Libye (1). Un point leur manque afin d’assurer définitivement leur ticket pour la phase finale au Maroc.