Le jeudi 27 février prochain, l’Institut français d’Abidjan accueille, à partir de 18 heures, l’exposition de Grobli Zirignon qu’on ne présente plus. A l’occasion, il passera en revue cinquante années de sa vie consacrée à la peinture à travers trente tableaux qu’il a fallu extraire de l’ensemble de sa collection, ses « créatures », dirait-il, à juste titre.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Grobli Zirignon n’est pas un artiste au sens d’un spécialiste d’art plastique qui dessine des courbes en implémentant des techniques largement éprouvées. Ses tableaux traduisent plutôt des instants de vie, la sienne et, à bien des égards, des moments de souffrance. Car comme il le dit lui-même, « il faut que les esprits t’habitent pour avoir de tels surgissements sur la culture ». Et comme à 85 ans, ses esprits sont loin de vouloir le laisser tranquille, Grobli Zirignon continue d’avoir l’esprit en veille, gratte, laissant son corps accuser le coup comme le montre sa démarche toujours décidée mais désormais plus lente.
« Rétrospective », tout simplement !
De sorte que si les artistes, dans l’imagerie populaire, ne meurent pas, c’est probablement parce qu’ils ne vieillissent pas non plus. En effet à la veille de l’exposition prévu ce jeudi 27 février à l’Institut français, l’artiste met la dernière main à la préparation du lot de tableaux qui seront exposés sous cette simple appellation: « Rétrospective ».
Hommage à son art, s’il en est, l’artiste passera ainsi en revue cinquante années au service de la peinture et plus précisément de l’art du grattage par lequel Grobli Zirignon a donné une dimension transcendantale à l’âme de la peinture. Pour couvrir toutes ces années, chaque décennie sera caractérisée par un lot de tableaux.
Peintre et guérisseur
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Peintre habité, Grobli Zirignon est aussi un guérisseur au sens « zirignon » du terme qui signifie, en bhété, la langue du centre-ouest de la Côte d’Ivoire dont il est originaire, celui qui voit les choses invisibles à l’œil nu.
Philosophe, psychothérapeute, Grobli Zirignon a passé son adolescence en France qu’il rejoint à l’âge de 13 ans. Cet éloignement le hantera pendant des années, même devenu adulte. Il s’en sortira finalement non pas grâce à la philosophie – il se désintéressera même de l’agrégation-, mais grâce à la peinture grattée grâce à laquelle il expulse les pulsions qui l’agitent. Grobli Zirignon étudiera alors la psychanalyse.
De retour à Abidjan, il exercera au centre de Guidance Infantile d’Abidjan de 1978 à 1995. Et plus tard, en prenant sa retraite de la fonction publique, Grobli Zirignon a créé la psychart-thérapie qui est une approche thérapeutique originale de la psychanalyse. Grâce à ses travaux et sa peinture, il empile à partir de 1975 les expositions personnelles aussi bien dans des galeries en France, à Abidjan qu’à son domicile. Au total, il a à son actif, onze expositions personnelles et 24 expositions collectives aussi bien en Côte d’Ivoire, en Afrique et en France. Ses œuvres seront récompensées par une dizaine de prix, les plus prestigieux étant probablement le prix Louis Dumoulin au SIBA-Grand Palais-Paris en 1976 et le Prix de la Recherche aux Grapholies d’Abidjan en 1993.
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TROIS QUESTIONS À NOTRE AMI PEINTRE
« Je n’étais pas dans la peau d’un peintre au départ »
Grobli Zirignon est mariée à Marie-France, enseignante de l’Ecole normale aujourd’hui à la retraite avec qui il a eu deux enfants. Il continue, sous sa protection, de passer son temps entre son domicile et son atelier, les deux étant séparés par une cour quelques mètres carrés de gazon bien tondu, la tignasse toujours nombreuse mais blanchie par le temps qui passe.
A quelques heures de son exposition intitulé « Rétrospective » prévu à l’Institut culturel français d’Abidjan, ce jeudi 27 février, Grobli Zirignon a répondu succinctement aux questions de notre correspondant à Abidjan, Bati Abouè
Vous avez 85 ans aujourd’hui dont 50 au service de la peinture. Quel bilan pouvez-vous faire à la veille de cette exposition qui est aussi un hommage à votre carrière et à votre art ?
C’est 86 ans. Je suis satisfait de mon parcours qui fut héroïque. J’en suis sorti avec des « beaux-restes ». Les beaux-restes support de la foi dont je me soutiens pour avancer vers l’Inconnu. C’est mieux que je pressentais. J’ai craint le pire.
L’art est généralement le parent pauvre en Afrique et, pour cela, est peu valorisé. Est-ce qu’il est facile ou non d’être peintre en Côte d’Ivoire ?
Pour être honnête je n’étais pas dans la peau d’un peintre au départ. J’étais psychothérapeute et c’est pour être mieux dans ma peau que j’ai recouru à l’art qui m’a permis d’évacuer mes pulsions destructrices. Toutefois je souhaite que la condition des artistes peintres soit améliorée car la peinture est l’activité créatrice de la culture et de la vie sociale.
Vous avez demandé et obtenu le parrainage du ministre de la culture. Au-delà du factuel et du protocole de reconnaissance, y a-t-il un message que vous voulez faire passer ? Par exemple, que l’Etat songe plus à aider les artistes, les peintres ? Et de quelles façons ?
C’est dans l’esprit de courtoisie que j’ai fait la démarche. Mon éducation m’oblige à avoir des rapports de civilités avec le Ministère de tutelle.
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