De la recherche d’une nouvelle expressivité réaliste et à la quête d’une spiritualité, Etienne Dinet (1861-1930), de formation classique, aurait pu faire une carrière académique. Du moins jusqu’à ce que son premier voyage en Algérie en décide autrement.
Notre chronique sur l’exposition Etienne Dinet à l’Institut du Monde Arabe, signée Caroline Chaine
Alors que l’orientalisme est à la mode, il sera un orientaliste « réaliste » loin de l’exotisme. C’est un homme engagé. Ayant choisi de vivre dans le sud algérien, il s’insurge contre l’injustice de la politique coloniale française, se convertit à l’Islam et fait son pèlerinage à la Mecque.
Né dans une famille bourgeoise, après des études aux Beaux-Arts de Paris et à l’Académie Julian, le jeune peintre est formé par des maitres prestigieux, Rembrandt et Delacroix dont il occupera son atelier après son décès. Baignant dans l’impressionnisme ambiant, Etienne Dinet retient la lumière et la fraicheur des coloris. II s’essaye à la photographie dont il gardera l’instantanéité et décide de devenir peintre lors de son premier voyage en Algérie en 1884.
Un voyage un peu accidentel, car il y accompagne un ami dont le frère est entomologiste. La découverte de cette colonie sera déterminante, Etienne Dinet décide d’apprendre l’arabe et d’y retourner en séjour les années suivantes. C’est à la Société nationale des Beaux-Arts dont il est un fondateur avec Puvis de Chavanne et Rodin et au Salon des peintres orientalistes français dont il est aussi un des fondateurs qu’il expose ses tableaux algériens.
Il peint la réalité, le désert à la fois hostile et familier (Une crue de l’Oued M’ZI, 1890) et les habitants dans une approche ni ethnographique, ni exotique (Homme au grand chapeau, 1901) mais dans un quotidien joyeux (Le printemps des cœurs, 1904). Il y a cependant une ambiguïté avec des nus féminins parfois assez licencieux. Bien que le poète et philosophe persan du 11 eme siècle Omar Khayyam écrivait « Dieu me donne des yeux, il ne m’empêche pas de m’en servir», il représente des archétypes fantasmés. Pas d’avilissement de la femme mais plutôt « un eden sexuel » et ce dans un contexte colonial où la violence n’était pas absente….
En 1904 alors que Paris est « l’étoile du monde », centre des innovations artistiques (à voir l’exposition au Petit Palais, Le Paris de la modernité 1905-1925 jusqu’au 14 avril) et attire les artistes du monde entier, il décide de s’installer définitivement en Algérie dans l’oasis de Bouda-Saâda en bordure du désert (Les Bavards à Bou Saâda, 1896). Le peintre se fait construire une maison à côté de la famille de son ami Sliman Ben Ibrahim, illustre essayiste. C’est là qu’il se convertira à l’Islam en 1913 « avec une foi d’une sincérité absolue » comme l’écrira sa sœur dans sa biographie, prenant le nom de Nasreddine (victoire de la religion en arabe).
Il se consacre désormais à des scènes religieuses ( Meddah aveugle chantant l’épopée du prophète ou Le Conteur arabe, vers 1922) et intervient en faveur des indigènes auprès des autorités locales et du Gouvernement général d’Alger. Lors de la guerre de 14/18, il demande que les blessés algériens retournent au pays et que les soldats musulmans puissent être enterré selon leur rite. Il dessine les stèles de leurs carrés militaires.
En hommage à ceux mort pour la France, il publie en 1918 La Vie de Mohammed, Prophète d’Allah. Il publie aussi en 1922 L’Orient vu de l’Occident avec son ami Sliman Ben Ibrahim et illustre Le Roman d’Antar (Antar ), le plus ancien récit épique et moral de la littérature arabe avant la prédication de l’Islam