Du 17 juillet au 21 août 2025, le Festival International de Carthage célèbre sa 59e édition. Dans les vestiges d’un empire, musiques arabes, africaines et mondiales se croisent, entre mémoire classique et pulsations modernes.
Dans l’amphithéâtre romain de Carthage, chaque pierre semble porter en elle un millénaire de voix. Voix d’orateurs, de gladiateurs, de conquérants, puis, plus récemment, de poètes, de rockeurs et de stars de la scène arabe. Depuis 1964, le Festival International de Carthage fait résonner ces ruines de sons venus d’ailleurs, de rythmes enracinés et d’échos nouveaux. L’édition 2025, la 59e, se tiendra du 17 juillet au 21 août, et malgré les coupes budgétaires et les crispations politiques, elle promet une programmation dense, traversée par les grands courants artistiques du moment.
À Carthage, on ne choisit pas entre la tradition et l’innovation. On joue sur les deux tableaux. Le festival reste l’un des rares de la région à pouvoir accueillir aussi bien des orchestres symphoniques que des têtes d’affiche du rap arabe, des troupes de théâtre palestiniennes et des ballets venus de Cuba. Cette année encore, la diversité prévaut. La soirée d’ouverture sera confiée à l’Orchestre national tunisien, accompagné d’une troupe andalouse dans un spectacle intitulé Mémoire d’al-Andalus, hommage aux liens séculaires entre Maghreb et péninsule ibérique.
Viendront ensuite les grands noms : Cheb Khaled, toujours fidèle au site, proposera une soirée de raï fusion avec des artistes gnawa et des musiciens maliens. La chanteuse soudanaise Rasha prendra la scène pour une veillée acoustique à la lumière des tambours hausa. Côté hip-hop, le rappeur palestinien Saint Levant partagera l’affiche avec Balti, figure du rap tunisien, pour une soirée « Mashreq-Maghreb » très attendue. Une création inédite rassemblera également la Libanaise Tania Saleh, l’Égyptienne Dina El Wedidi et la Franco-Comorienne Imany pour un trio féminin intitulé Voix libres, mêlant folk, blues, et chant soufi.
Mais Carthage n’est pas qu’un festival musical. Le théâtre y garde une place centrale, en arabe, en dialectal, en français, parfois sans paroles. Le metteur en scène Fadhel Jaïbi y présentera Boussa el Watan, satire politique sur la mémoire et l’amnésie nationale. En partenariat avec l’Institut français de Tunisie, deux pièces contemporaines venues du Sahel — l’une nigérienne, l’autre burkinabè — viendront croiser les imaginaires postcoloniaux dans un diptyque percutant. Côté danse, la chorégraphe Faïza Kefi proposera un solo de 50 minutes sur la question de la transmission maternelle dans les sociétés rurales tunisiennes. À l’heure où la jeunesse tunisienne questionne ses racines, ses repères et son avenir, la scène devient miroir.
Esthétiques numériques
Le festival s’ouvre aussi aux esthétiques numériques. Plusieurs soirées « visuelles » sont prévues : mapping sur les murs du théâtre, installations sonores, DJ sets à la croisée de l’afrotech et de l’électro orientale. Un hommage à l’artiste plasticienne Safia Farhat sera présenté en projection immersive. Le festival veut parler aux jeunes, non par stratégie de communication, mais parce que la jeunesse tunisienne est aujourd’hui porteuse de tension créatrice. Elle est à la fois héritière, résistante, impatiente.
Dans un pays où les budgets culturels fondent, où les libertés artistiques sont parfois mises à l’épreuve, le maintien d’une telle édition est une déclaration. Le Festival de Carthage n’est pas un divertissement : il est un espace de souveraineté symbolique. Il rappelle que la Tunisie est une nation culturelle avant d’être un champ de bataille politique. Qu’un peuple qui chante, qui écrit, qui joue, ne cède pas facilement à l’effacement. Et que, même fragilisé, le théâtre antique de Carthage continue de porter haut les voix de ceux qui refusent la résignation.
La scène est immense, les gradins majestueux, mais c’est souvent dans les silences entre deux morceaux, quand les projecteurs se figent sur une voix nue, qu’on mesure la force de ce lieu. Carthage n’est pas un festival de masse, c’est une mémoire partagée.
Informations pratiques :
Dates : du 17 juillet au 21 août 2025
Lieu : Théâtre romain de Carthage, Tunisie (proche de Tunis)
Accès : 25 minutes de route depuis le centre de Tunis – taxis, bus ou train TGM
Billetterie : en ligne via festivaldecarthage.tn ou points de vente culturels à Tunis
Entrée : billetterie modulée selon les spectacles – tarifs réduits pour étudiants
Langues : arabe, français, anglais – certains spectacles traduits ou surtitrés
Hébergement : hôtels à Carthage, Sidi Bou Saïd et Tunis – partenariats hôteliers disponibles