Du 25 juillet au 8 août 2025, le Festival International de Baalbeck renaît sous le signe de l’opéra. La première représentation de Carmen ayant été sold out, une seconde soirée a été ajoutée, preuve que l’art triomphe même dans l’incertitude.
L’an dernier, alors que la guerre entre Israël et le Hezbollah faisait rage au sud, le Liban entier retenait son souffle. À Baalbeck, dans la vallée de la Békaa, les colonnades romaines du temple de Bacchus semblaient attendre, stoïques et vulnérables. Il suffisait d’un missile mal orienté pour que deux mille ans d’histoire s’effondrent. Mais l’été passa, les pierres tinrent bon. Et en 2025, le Festival International de Baalbeck revient, plus vivant que jamais. Il s’ouvrira par Carmen de Bizet, les 25 et 26 juillet — non pas une, mais deux représentations : la première soirée ayant été vendue en quelques heures, les organisateurs ont décidé de doubler l’opéra pour répondre à une demande populaire inédite.
Désobéissance, dignité, fierté.
Ce succès n’a rien d’anecdotique. Dans un pays ravagé par les crises économiques, les coupures d’électricité et les menaces géopolitiques, cette ruée vers un opéra est un acte collectif de foi dans la culture. Sur les marches du temple de Bacchus, Carmen prendra une dimension nouvelle. Mis en scène par Jorge Takla, dirigé par Toufic Maatouk, l’opéra sera interprété par l’Orchestre national de la Radio roumaine, avec le chœur de l’Université Antonine et la mezzo-soprano franco-algérienne Amel Brahim-Djelloul dans le rôle-titre. La tragédie de cette femme libre, passionnée, insoumise, résonnera avec les tumultes d’un pays qui refuse de plier.
Ce choix de programmation n’est pas simplement esthétique. C’est l’histoire d’une femme, Carmen, qui choisit sa liberté jusqu’à la mort. À Baalbeck, ce récit devient une métaphore du Liban lui-même : menacé, déchiré, mais debout. En écho à cette ouverture lyrique, la clôture du festival sera confiée à Hiba Tawaji, le 8 août, pour un concert événement intitulé Stages – حقبات, retraçant en musique les grandes ères de la chanson arabe moderne, de Fairuz aux compositions Rahbani.
Une série de rendez-vous hybrides
-Le 31 juillet, concert du duo franco-libanais Bachar Mar-Khalifé et Jeanne Added.
-Les spectacles de danse contemporaine inspirés de la mémoire paysanne de la Békaa
-Des projections visuelles nocturnes dans les galeries du temple. En 2025, Baalbeck renforce sa volonté d’ouverture : il ne s’agit plus seulement d’un festival de musique classique, mais d’un espace de création vivante, polyphonique, indocile.
Un acte de résistance
Ce qui frappe à Baalbeck, c’est la persistance du sublime dans un monde fracturé. Depuis 1956, le festival est un acte de résistance poétique. Même au plus fort de la guerre civile, il a tenu, migrant parfois vers Beyrouth, adaptant ses formats, mais refusant de disparaître. Aujourd’hui, alors que le Liban traverse une crise sans précédent, les organisateurs refusent de renoncer. Le festival s’auto-produit en grande partie, mobilise des mécènes privés, active des réseaux de bénévoles. Les techniciens dorment sur place, les artistes jouent parfois sans cachet. Baalbeck est devenu une affaire de survie culturelle.
Et le public suit à chaque fois que c’est possible. Les gradins se remplissent alors d’un mélange unique : familles de la région, diplomates de passage, membres de la diaspora, étudiants en arts dramatiques, touristes intrépides, enfants en robes blanches émerveillés par la musique. À Baalbeck, le silence entre deux notes n’est jamais vide : il est rempli de mémoire. C’est ce que comprend tout visiteur, en voyant Carmen s’avancer sur la scène, sa voix s’élever dans l’air chaud de la vallée, entourée de colonnes dressées comme des cierges millénaires. La beauté ne guérit pas le pays, mais elle le garde habitable.
En 2025, Carmen ne vient pas en décor. Elle vient en réponse. Et l’ajout d’une seconde soirée n’est pas une simple reprise de billetterie : c’est un signal. Dans un Liban qui doute de tout, y compris de son lendemain, plus de 2 000 personnes ont choisi de commencer leur été par une tragédie chantée, offerte aux dieux de pierre et au peuple qui persiste.
Informations pratiques :
Dates : Carmen les 25 et 26 juillet 2025 ; Hiba Tawaji – Stages le 8 août 2025
Lieu : Site archéologique de Baalbeck, vallée de la Békaa, Liban
Accès : navettes depuis Beyrouth (2h30 de route), parkings surveillés à l’entrée du site
Billets : disponibles sur www.baalbeck.org.lb et dans les points de vente agréés (tarifs variables selon les spectacles)
Hébergement : hôtels à Zahlé, maisons d’hôtes locales, logements temporaires proposés par le festival
Langues : spectacles en français, arabe ou multilingue selon les soirées