Le 18 avril 2025, Burna Boy, le prince de lAfrobeat, gravira une marche historique, celle de la première tête d’affiche africaine à se produire en solo au Stade de France. Une consécration musicale, mais surtout une victoire culturelle.
À Saint-Denis, dans la plus grande enceinte du pays, 80 000 spectateurs vibreront au son de l’Afrobeat, genre longtemps relégué aux marges de l’industrie musicale occidentale. Ce soir-là, c’est l’Afrique qui prend le centre de la scène, et avec elle, toute une jeunesse diasporique, créative, fière, exigeante. Il y a dans cette date une forme de réparation douce, un retournement d’axe. Car l’histoire musicale, comme l’histoire tout court, a longtemps ignoré la voix du continent. Burna Boy la fait entendre jusqu’aux gradins les plus éloignés.
Ce concert est plus qu’une date dans une tournée. C’est une déclaration. Le Stade de France, lieu des finales de Coupe du monde, des shows de Beyoncé, des tournées de U2 ou des Rolling Stones, accueillera pour la première fois un artiste africain comme tête d’affiche unique. Burna Boy n’est pas simplement « invité » ou « programmation spéciale » d’un festival mondial. Il est le centre du dispositif, l’événement lui-même.
L’annonce, faite il y a plusieurs mois sur ses réseaux sociaux, a déclenché une vague d’enthousiasme sans précédent. Les billets, mis en vente à des prix oscillant entre 63 et 437 euros, se sont arrachés à grande vitesse. Le public attendu sera à l’image de son rayonnement : européen, africain, diasporique, multilingue. Dans les tribunes, on parlera anglais, français, yoruba, pidgin. Ce sera un carrefour, un manifeste en sons et en corps.
Un roi sans frontières
Mais qui est donc Burna Boy, celui que l’on acclame désormais aux quatre coins du monde ? Né à Port Harcourt, au Nigeria, en 1991, Damini Ebunoluwa Ogulu a grandi dans un univers où la musique était omniprésente. Sa mère, Bose Ogulu, aujourd’hui sa manager, lui transmet l’héritage linguistique et intellectuel d’une lignée panafricaniste. Son grand-père, Benson Idonije, fut le manager de Fela Kuti, père fondateur de l’Afrobeat. Le lien est là, direct, assumé.
Burna Boy n’est pas un héritier passif. Il est un bâtisseur. À partir de la base afrobeat, il ajoute les couches sonores de son époque : hip-hop américain, dancehall jamaïcain, R&B, musique électronique, trap. Une hybridation sans complexes, qui séduit les grandes majors et les plateformes mais sans jamais trahir son identité. Il chante en anglais, en pidgin, parfois en yoruba. Ses textes parlent d’amour, de déceptions, de rêves brisés, mais aussi de pillage colonial, de violences policières, de spiritualité yoruba, de mémoire africaine.
De Lagos à Paris : une trajectoire fulgurante
Après plusieurs albums confidentiels, Burna Boy explose sur la scène mondiale avec Outside (2018), puis African Giant (2019), album manifeste, radical et visionnaire. Suivront Twice As Tall (2020), récompensé d’un Grammy Award, puis Love, Damini (2022), qui confirme sa place parmi les voix majeures de la scène mondiale.
Sa collaboration avec des artistes comme Stormzy, Ed Sheeran, Jorja Smith, Justin Bieber ou Beyoncé n’est jamais opportuniste : c’est Burna Boy qui impose sa patte, pas l’inverse. Il est partout, mais toujours à sa façon. Il ne quémande pas l’attention, il la mérite.
Le concert du 18 avril s’annonce comme un moment générationnel. Chorégraphies millimétrées, scénographie grand format, effets visuels spectaculaires, invités surprises… tout est réuni pour marquer les esprits. Mais c’est dans la parole, dans le souffle de ses textes, que réside le cœur de l’événement.
Burna Boy ne se contente pas de faire danser. Il politise la fête. Il met en récit les fractures postcoloniales, les traumatismes de l’exil, les violences d’un monde qui marginalise l’Afrique tout en exploitant ses ressources et ses rythmes. Ce soir-là, ses mots résonneront dans l’un des lieux les plus emblématiques d’une France post-impériale, dans une ville marquée par l’histoire de l’immigration africaine. Rien de plus logique, au fond, que ce concert ait lieu à Saint-Denis.
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