La Bibliothèque nationale de France (BNF) choisit chaque année depuis 2022 un thème d’exposition pour présenter dans son musée des œuvres issues des collections royales de France dont elle est héritière depuis la Renaissance.,Cette année, avec Le monde pour horizon, il est question des échanges culturels, artistiques, diplomatiques et intellectuels entre l’Europe et les autres civilisations depuis l’Antiquité.
Invité à dialoguer avec les collections du musée, l’artiste camerounais Barthélémy Toguo interroge la mémoire, le regard et l’exil et « l’universalité de valeurs toujours fragiles telles que la paix, l’équité, la fraternité ou la liberté ».
Une chronique de Caroline Chaine sur « Le monde pour horizon », nouvelle thématique annuelle du musée de la BnF jusqu’au 7 septembre 2025
La monumentale installation, A Book is my Hope, introduit l’exposition. Elle se présente comme un grand luminaire fait de livres sur l’histoire de l’Afrique, suspendus au-dessus de l’escalier. Ils sont une réponse à la destruction par des groupes armés des manuscrits de Tombouctou au Mali en 2021. Ils étaient des copies réalisées entre le 17 et 19 eme siècle de textes du Moyen Age ouest-africain et arabes et témoignaient de la richesse intellectuelle et spirituelle de la ville. Cette œuvre exprime le désarroi de l’artiste face à l’obscurantisme.
Les grandes peintures de Bardes avec leurs yeux recouverts de bandes blanches veillent sur les collections archéologiques et numismatiques de la salle des Colonnes, du cabinet précieux et de la salle de Luynes. Ils transmettent la connaissance des origines à travers leur mythes et leurs rituels. Ils sont les druides poètes, gardiens de la mémoire collective et des trésors de la bibliothèque.
Mondialisation, migration et droits humains
Barthélemy Toguo, né en 1967, vit entre la France et le Cameroun après des études de Beaux-arts à Abidjan, Grenoble et Düsseldorf. Il a créé dans son pays en 2023 le centre d’art Bandjoun Station avec un projet éducatif, artistique et agricole. Il y expose en permanence des estampes d’artistes contemporains, Louise Bourgeois, Etel Adnann, Kiki Smith,… données où échangées entre amis artistes.
Avec les thèmes qui lui sont chers, la mondialisation, la migration et les droits de l’homme, Il donne à voir dans cette exposition une vision plus intellectuelle de son travail que l’on ne peut pas résumer à ses spectaculaires ballots de vêtements entassés recouverts de tissus africains colorés. Ces bagages improvisés de l’immigration comme dans Le Pilier des migrants disparus (photo) exposé sous la Pyramide du musée du Louvre en 2023.
Barthélemy Toguo est aussi céramiste. Il a confirmé en Chine à Jingdezhen, capitale mondiale de la porcelaine, l’apprentissage de cette technique qu’il développe dans des plats et vases monumentaux, symbole d’hospitalité. Fragile Body voisine avec des plats d’apparat antiques décorés de scènes historiques. Ses cercles concentriques évoquent les champs magnétiques de la vie qui entourent l’enfant (photo). Deux vases sont dédiées à la recherche médicale sur les virus Ebola et du SIDA. L’eau qu’ils peuvent contenir est un outil de purification, source de vie. Ils dialoguent avec les vases grecs de la salle de Luynes.
Deux autres vases surmontés de son portrait font face à celui de l’abbé Barthélemy, garde du Cabinet des médailles et des antiques dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Les oiseaux et les abeilles qui le recouvrent symbolisent la circulation des composants indispensables à la vie, les graines et le pollen. Une manière de rappeler la nécessité du partage pour vivre ensemble. Ces portraits dialoguent avec les médaillons des grands hommes de l’indépendance africaine. L’anthropologue sénégalais Cheik Antadiop, Amilcar Cabral qui lutera pour l’indépendances de la Guinée et des iles du Cap vert, le marocain Mehdi Ben Barka, Patrice Lumumba, grande figure de l’indépendance du Congo belge, Frantz Fanon, Nelson Mandela, Thomas Sankara, Président de la République de Haute Volta devenue Burkina Faso, ….
En contre point de l’installation A book is my hope, cette exposition qui se renouvelle tous les 4 mois du fait de la fragilité des documents exposés se conclue par un livre monumental
Éclosions mémorielles, un recueil de textes qui traitent du continent africain et de sa position dans le monde, illustré d’aquarelles et de dessins.
