Angela Wanjiku Wamai livre avec Shimoni, le 22 janvier, un drame puissant sur la rédemption et les traumatismes. Porté par une réalisation maîtrisée, une photographie envoûtante et une performance exceptionnelle de Justin Mirichii, ce film s’impose déjà comme une œuvre incontournable du cinéma africain contemporain.
Avec Shimoni, Angela Wanjiku Wamai signe un premier film coup de poing qui secoue les consciences et bouleverse les cœurs. Au cœur de ce drame intense : Geoffrey, un ex-prof d’anglais que sept ans de prison ont marqué au fer rouge. Le voilà de retour dans son village natal, Shimoni (« La Fosse »), où l’église locale lui offre un semblant de rédemption à travers le travail de la terre. Mais les démons du passé ne sont jamais loin, et la communauté n’a rien oublié…
Ancienne monteuse passée à la réalisation, Wanjiku Wamai fait preuve d’une maîtrise époustouflante. Sa caméra capture avec une sensibilité rare les tourments de Geoffrey, entre silences assourdissants et paysages à couper le souffle. En kikuyu, swahili et anglais, le film tisse une toile complexe où se mêlent trauma, culpabilité et espoir de renaissance.
Le talent de la réalisatrice n’a pas échappé aux festivals internationaux : de Toronto à Ouagadougou, où elle décroche l’Étalon de Bronze du FESPACO, en passant par le Festival du film africain de Louxor qui lui décerne son Golden Film Award. Shimoni s’impose déjà comme une œuvre phare du nouveau cinéma africain.
Justin Mirichii, dans le rôle de Geoffrey
La force du film réside aussi dans sa distribution impeccable. Justin Mirichii, dans le rôle de Geoffrey, livre une performance magistrale tout en retenue. Son jeu subtil traduit parfaitement les tourments intérieurs de son personnage, tandis que les seconds rôles, incarnés par des acteurs locaux non professionnels, apportent une authenticité saisissante au récit. La réalisatrice a d’ailleurs passé plusieurs mois dans la région de Shimoni pour s’imprégner de l’atmosphère locale et travailler avec les habitants.
Le choix audacieux de la photographie mérite également d’être souligné. Le directeur de la photographie crée une atmosphère visuelle unique où la luminosité écrasante du soleil kényan contraste avec l’obscurité des tourments intérieurs du protagoniste. Les scènes tournées à l’aube et au crépuscule sont particulièrement saisissantes, baignant le film dans une lumière quasi mystique qui fait écho aux thèmes spirituels abordés.
L’histoire prend une dimension encore plus poignante quand on comprend la genèse du projet. Shimoni n’est pas qu’un simple titre : en swahili, il signifie « La Fosse », métaphore puissante d’un trou sans fond dans lequel le personnage principal ne cesse de chuter. Cette symbolique traverse le film comme un fil rouge, illustrant la spirale descendante de Geoffrey.
Justin Mirichii s’est totalement immergé dans son rôle, allant jusqu’à s’isoler de sa famille pendant le tournage pour mieux ressentir la solitude de son personnage. Sa performance bouleversante donne vie à un homme « en conflit avec son environnement social et en guerre contre ses démons intérieurs ». Le film explore avec finesse des thématiques complexes : les rôles de genre, la religion, la tradition face à la modernité, et surtout l’isolement au sein d’une communauté qui refuse d’oublier.
Dans ce premier long-métrage de 97 minutes, Wanjiku Wamai réussit un tour de force : nous faire plonger dans l’âme tourmentée d’un homme et d’un pays, tout en touchant à l’universel. Entre la beauté brute des paysages kényans et les ombres qui habitent Geoffrey, elle compose une partition magistrale sur la résilience et le pouvoir de la rédemption.
À l’approche de sa sortie française, Shimoni suscite déjà l’enthousiasme des cinéphiles et des critiques. Et pour cause : rares sont les premiers films qui parviennent avec autant de justesse à sonder les profondeurs de l’âme humaine, tout en offrant un regard neuf sur l’Afrique contemporaine. La bande originale, composée par Jim Chuchu, figure montante de la scène musicale kényane, sublime encore davantage cette œuvre bouleversante. Une pépite à ne pas manquer, qui marquera sans aucun doute l’histoire du cinéma africain !