Quand l’AFP et Libération faisaient d’Assad le ravisseur de James Foley

« James Foley est porté disparu depuis six mois et serait détenu par les services de renseignement, à Damas, en Syrie ». Voici ce que titrait le journal Libération, voici quelque mois, en reprenant des informations apparemment erronées données par l’AFP. Notre chroniqueur Jacques Marie Bourget regrette que nos deux confrères, après une telle bourde, n’aient pas fait la moindre autocritique

Rassurez-vous, Mondafrique n’a pas l’intention de lancer une souscription dont l’objet serait d’offrir une montre en or à Bachar Al-Assad. Mais tout de même, certains médias à force de tirer à tout bout de champ sur le roi de Damas ne font guère progresser leur cause, celle d’obtenir le départ du fils d’Hafez. Bientôt, dans notre presse à voix unique, il se trouvera bien  un chargé de la météo capable d’accabler Bachar  comme responsable de  notre été pourri… Attendons. Dans le passé, on nous a décrit Saddam Hussein en nouvel Hitler, pour ce fut Kadhafi, même si aujourd’hui de nombeuses voix s’élèvent contre la forme prise par l’intervention franco-qatarie en Libye. Poutine attend son tour dans l’antichambre des repoussoirs préférés de notre presse bien pensante. Face à une surenchère inutile, le plus utile serait de garder leur sens aux mots et de ne pas maquiller la vérité, parce que ça fait plus joli. Bachar est le patron d’un régime devenu face à la rébellion sans foi nil loi. Mais il faut noter que des présidents sans scrupules (et il est vrai moins brutaux), il y en a, hélas, beaucoup d’autres dans le monde, parfois même à Washington.

Assad coupable, forcément coupable

L’exécution de notre confrère James Foley est l’occasion de réviser l’état dans lequel nos « organes » d’information perdurent. Nous ne résistons pas à vous livrer la copie publiée,  six mois après l’enlèvement de Foley, par le quotidien Libération, s’inspirant, dit-il, d’une enquête de l’Agence France Presse…(voir ci dessous)  La chose est entendue, puisque les aimables « rebelles » sont incapables de faire du mal à une mouche, même de presse, ils ne peuvent être impliqués dans ce sinistre bonneteau qui consiste à enlever des journalistes. Ces derniers sont donc, forcément, les victimes de Bachar.  Le hic, c’est qu’aucun otage libéré n’est jamais venu étayer cette légende et que c’est bien au nom d’Allah et du Califat que le malheureux James a été égorgé. Libération et l’AFP  vont certainement publier des excuses…

Notons par ailleurs que nos frères de chaines télés et de papier imprimé ont assez peu parlé de l’évolution de l’enquête sur le gaz sarin naguère retrouvé dans les ruines des combats en Syrie. Des spécialistes du MIT, prestigieux institut de technologie du Massachussetts, n’ont-ils pas avancé que le fameux sarin avait été tiré par les « rebelles ». Analyse partagée par Carla Del Ponte membre de la commission d’enquête des Droits de l’homme de l’ONU.  Pas grave, le dogme édifié par nos confrères du Monde, celle du sarin lancé par Bachar, est en acier inoxydable.

VOICI, CI-DESSOUS, L’ARTICLE PARU DANS LIBERATION 

A PARTIR D’ELEMENTS FOURNIS PAR L’AFP

.Le journaliste américain James Foley, porté disparu depuis six mois en Syrie, serait détenu par des agents des services du renseignement syrien dans un centre de détention près de Damas, a déclaré vendredi un porte-parole de sa famille à Boston.

Ce reporter indépendant de 39 ans, qui a fourni des reportages pour le GlobalPost, l’Agence France-Presse et d’autres médias internationaux, a été enlevé dans le nord-ouest de la Syrie le 22 novembre 2012 et n’est plus réapparu depuis.

Les proches du journaliste, famille et employeurs, insistent pour dire qu’il travaillait de manière objective sur le conflit en Syrie et ils ont appelé à sa libération. Les autorités syriennes ont toujours affirmé ne pas savoir où il se trouve. Vendredi, Journée pour la liberté de la presse, le média en ligne GlobalPost a organisé une cérémonie à Boston (nord-est) pour réclamer au régime du président Bachar al-Assad des nouvelles de James Foley.

«Nous pensons que Jim a vraisemblablement été arrêté par un groupe de miliciens pro-régime, connu sous le nom de Shabiha, et qu’il a ensuite été livré aux forces gouvernementales syriennes», a affirmé le PDG et cofondateur du GlobalPost, Phil Balboni, qui fait également office de porte-parole de la famille de M. Foley.«Nous avons obtenu de multiples rapports indépendants provenant de sources confidentielles très crédibles ayant un accès direct et indirect, qui confirment notre évaluation que Jim est à présent détenu par le gouvernement syrien», a-t-il ajouté. «Ces nouvelles informations sur James Foley nous confortent dans l’espoir de le voir recouvrer la liberté aussi vite que possible. Il est plus que temps que James soit rendu à sa famille et à ses proches», a déclaré le PDG de l’Agence France-Presse Emmanuel Hoog. «En cette journée mondiale de la liberté de la presse, je lance un nouvel appel à tous ceux qui pourraient contribuer à un tel dénouement, et en particulier aux autorités syriennes», a ajouté M. Hoog dans un communiqué.

Sa mère en appelle à Damas

Selon M. Balboni, le centre de détention où James Foley serait retenu est situé près de la capitale Damas dans une zone toujours contrôlée par le régime. «Plus précisément, nous pensons que ce centre où il est détenu est sous l’autorité du service du renseignement de l’armée de l’air syrienne», a dit M. Balboni, en promettant que GlobalPost continuerait à faire pression publiquement et par la voie diplomatique pour la libération de James Foley. De son côté, le porte-parole du département d’Etat, Patrick Ventrell, s’est borné à exprimer «l’inquiétude»des Etats-Unis quant «à la sécurité et au bien-être» de M. Foley, sans en dire plus pour des «raisons d’ordre privé». Washington est représenté en Syrie par la République tchèque.

M. Foley, journaliste expérimenté ayant travaillé dans de nombreuses zones de conflit, a été arrêté le 22 novembre par des hommes armés dans la province d’Idlib, dans le nord du pays, selon des témoins, et il n’a pas été revu depuis. Plusieurs autres journalistes étrangers et syriens sont portés manquants en Syrie, où une guerre civile fait rage depuis 2011. Certains d’entre eux ont depuis été relâchés.

Un rapport d’Amnesty International, rendu public vendredi, indique que 36  journalistes couvrant le conflit ont été tués dans ce que l’ONG appelle «des attaques ciblées».

La mère de James Foley, Diane Foley, a affirmé de son côté que ces nouvelles sur son fils avaient ravivé un peu d’espoir. «Nous espérons (…) que le gouvernement syrien reconnaîtra que Jim est un journaliste objectif, innocent, qui se préoccupe du peuple syrien et qui se trouvait là-bas pour raconter leur histoire», a-t-elle déclaré à l’AFP avant la cérémonie, en lançant selon ses propres termes «un appel humanitaire» au régime syrien.

James Foley avait déjà été enlevé en mars 2011 en Libye par des troupes fidèles au dirigeant libyen Mouammar Khadafi. Il avait été libéré après plusieurs semaines en captivité.

La famille du journaliste a lancé une campagne d’information pour obtenir sa libération, ainsi qu’un site internet (freejamesfoley.org) et un compte Twitter @freejamesfoley.

AFP