Des femmes afghanes aménagent une bibliothèque clandestine à Kaboul

Zan Library, Kaboul, 25 août 2022.
Le Mouvement spontané des femmes protestataires d’Afghanistan a ouvert la « bibliothèque Zan » dans le cadre de sa campagne contre les talibans, pour défendre le droit des femmes à l’éducation. Les étagères s’emplissent d’ouvrages pour lutter contre la privation de scolarisation instituée par le régime. Des centaines de femmes s’y retrouvent pour apprendre, lire et échapper aux interdits posés par les Talibans il y a près d’un an.

Cette bibliothèque a été mise en place dans la ville de Kaboul le mercredi 24 août, alors que les talibans ont renforcé leurs restrictions à l’encontre des femmes. Les médias nationaux et étrangers étaient présents à la cérémonie d’ouverture de cette bibliothèque. Le Mouvement spontané des femmes protestataires d’Afghanistan a créé cette bibliothèque avec la coopération financière de la Fondation Crystal Bayat. Les fondateurs de la bibliothèque ont publié une annonce indiquant que cette bibliothèque a été ouverte en tant qu’activité culturelle pour défendre le droit des femmes à l’éducation et pour affirmer la résistance des femmes contre les talibans.

Une bibliothèque clandestine pour femmes afghanes.

L’objectif de l’ouverture de cette bibliothèque est de « développer et renforcer la culture de la lecture chez les femmes et fournir des livres gratuits aux filles et aux femmes qui n’ont pas la capacité financière d’en acheter ou qui sont privées de travail. »

Ces femmes ont déclaré que « le 15 août 2021 a marqué un jour noir dans la vie du peuple afghan, en particulier des femmes et des filles. L’exclusion des femmes de la vie publique est le premier et le plus important ordre des talibans après leur prise de contrôle du pays. Ils ont notamment privé les étudiantes d’éducation et fermé les portes des écoles qui formaient les femmes et les filles.

Zan Library, Kaboul, 25 août 2022.

Les femmes afghanes ont manifesté, elles sont descendues dans les rues pour protester, malgré les risques de représailles. Mais en vain. Plutôt qu’attendre de la communauté internationale une réaction, Zholia Parsi, dirigeante du Mouvement spontané des femmes, a expliqué à l’agence espagnole EFE. « Nous avons décidé de faire quelque chose par nous-mêmes […]. Nous avons ouvert une bibliothèque. »

Zan Library, Kaboul, 25 août 2022.

Le projet a d’abord été diffusé sur les réseaux sociaux. L’idée a rapidement grandi et en peu de temps, des livres envoyés par des militants, des étudiants, des écrivains, des poètes et des amis ont afflué. La bibliothèque Zan (pour Femmes), a pu voir le jour. « Désormais, nous disposons de plus de 2100 livres », déclare Zholia Parsi, qui y voit « une protestation qui montre aux talibans et à la communauté internationale que les filles et les femmes d’Afghanistan ont besoin d’éducation, besoin de prendre part à la vie publique. ».

Zan Library, Kaboul, 25 août 2022.

La bibliothèque Zan (femme) est dirigée par des membres  des femmes protestataires d’Afghanistan pour que soit « assurée la présence des femmes dans la vie publique, par le biais du livre et de la lutte savante. […] Bien que les talibans tentent de réduire les femmes au silence et de les exclure de la société, nos militantes résistent en utilisant différentes méthodes, notamment la promotion de la culture de l’étude, améliorant le niveau des connaissances des femmes, et empêchant l’exclusion des femmes des différents domaines de la vie publique désirée par les talibans. Elles vont devenir les pionnières de la lutte pour la libération de la société des femmes afghanes. »

Clandestine, secrète — et pourtant objet de reportages dans les médias européens et internationaux — la bibliothèque Zan n’a pas attendu une permission qu’elle n’aurait jamais obtenue. La fondation Crystal Bayat a financé les trois premiers mois de loyers, mais les dépenses sont là. Zholia Parsi collecte des dons pour que Zan puisse continuer à se développer. Les talibans ne changeront pas.

La communauté internationale n’est pas épargnée dans leurs critiques : Zholia Parsi déplore qu’en dépit des missions de l’ONU, l’unique réponse avancée est la patience — tandis que les négociations avec les islamistes se poursuivent. Le rapporteur de l’ONU pour l’Afghanistan, Richard Bennett, a récemment affirmé « de sérieuses inquiétudes », quant au sort des femmes dans le pays. Dans 24 des 34 provinces du territoire, elles sont en effet près de 850.000 Afghanes à être violemment déscolarisée. Le Conseil des Droits de l’Homme a publié un communiqué alarmant, faisant suite aux rapports. Précarité alimentaire grandissante, pour tout le pays, attaques perpétrées contre les civils, de plus en plus brutales… Le rapporteur a enjoint les autorités afghanes à cesser ces répressions, ainsi qu’« ouvrir les écoles pour filles ».

Un vœu pieux. Le 8 mars 2022, le porte-parole du régime, déclarait encore: « L’émirat islamique s’engage à faire respecter les droits de la charia pour toutes les femmes afghanes. »

Le reportage de l’agence EFE

Présentation de la bibliothèque par deux militantes, Afghan multimedia agency

Laila Waseem et Julia Farsi

Le reportage de South China Morning Post sur la présentation de la bibliothèque

Le reportage

Un appel à l’action avec Crystal Bayat et Yusra Mardini

Afghanistan : à Kaboul, une manifestation de femmes violemment dispersée par les Taliban (reportage sur France 24 le 13 août 2022)

Sources

Nicolas Gary, Actualité, les univers du livre, 24 septembre 2022.

Agencia EFE

Zan (Woman) Library Set up in Kabul, Nimrock media, 25 August 2022