Un poète, Mohamed Tadjadit, symbole d’un verrouillage politique

Un des cas les plus emblématiques des limites apportées en Algérie à la liberté d’expression demeure celui de Mohamed Tadjadit, le poète du Hirak, condamné le 11 novembre 2025 à cinq ans de prison ferme par la cour criminelle d’Alger-Dar El Beïda.

 

Mohamed Tadjadit s’est imposé dès 2019 comme l’une des voix du Hirak. Poète issu de Bab El Oued, son verbe direct, sa proximité avec la jeunesse et sa capacité à cristalliser les aspirations populaires en ont fait une figure essentielle du mouvement. Cette notoriété l’a placé au centre d’une série ininterrompue de poursuites : treize dossiers, de multiples arrestations et des peines en constante aggravation.

La dernière condamnation, prononcée le 11 novembre 2025, le frappe de cinq ans de prison ferme sur la base d’accusations particulièrement lourdes : « apologie d’actes terroristes », « usage de moyens de communication à des fins terroristes », « diffusion de contenus menaçant l’intérêt national », « incitation à un rassemblement non armé » et « outrage à institution étatique ».

Son avocat, Me Noureddine Ahmine, annonce qu’il entamera une grève de la faim le 16 novembre 2025 afin de dénoncer l’acharnement qu’il subit depuis six ans.

Un contraste frappant avec Boualem Sansal

Au lendemain de ce verdict, le président algérien a accordé une grâce présidentielle à l’écrivain Boualem Sansal, condamné en mars 2025 à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale ». Son transfert en Allemagne, rendu possible après une forte pression diplomatique européenne, illustre la plasticité de la justice algérienne lorsqu’un dossier suscite l’attention extérieure.

Ce contraste met en lumière un traitement sélectif où la clémence est réservée aux figures bénéficiant d’un relais international, tandis que les militants anonymes, pour la plupart jeunes et issus de milieux populaires, restent confrontés à une machine judiciaire inflexible.

Le poids de la communauté internationale

Face à cette disparité de traitement, un appel de plus en plus ferme est lancé par les familles de détenus d’opinion et les ONG : la communauté internationale ne peut plus rester silencieuse. Plusieurs pays considérés comme des partenaires stratégiques du régime — France, Italie, Espagne, Allemagne, États-Unis — continuent de coopérer étroitement avec Alger malgré les violations massives des libertés fondamentales.

Motivés par des intérêts énergétiques, migratoires ou sécuritaires, ces États adoptent une posture qui s’apparente désormais à une complicité active avec un pouvoir qui emprisonne des citoyens pacifiques. Les familles demandent explicitement que ces gouvernements conditionnent leur coopération au respect des droits humains et qu’ils réclament la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion.