Tidjane Thiam aurait fait espionner l’ancien mari de sa compagne

Financial Times 2015 Summer Party hosted by FT Editor Lionel Barber at The Mondrian Hotel, in London. Pictured is Tidjane Thaim, CEO, Prudential plc (L) with Ozwald Boateng, designer

Président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Tidjane Thiam risque d’être rattrapé par son passé à la tête du Credit Suisse. L’ancien mari de Marie-Soazic Geoffroy, l’actuelle épouse de Tidjane Thiam, accuse la banque helvétique de l’avoir pris en filature.

Par Ian Hamel à Genève

Tidjane Thiam a-t-il utilisé le personnel de sécurité du Credit Suisse, quand il en été le directeur général, de 2016 à 2020, pour espionner l’ancien mari de Marie-Soazic Geoffroy (de nationalité française) ? Cette accusation pourrait passer pour une mauvaise plaisanterie si Tidjane Thiam n’avait pas été contraint d’abandonner son fauteuil à Zurich pour avoir déjà mené des opérations d’espionnage sur certains de ses salariés entre 2016 et 2019. L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) de Suisse avaient dénoncé de « graves violations du droit de la surveillance ».   

Cette fois, l’affaire démarre avec la plainte déposée par l’ex-mari, et révélée par la Neue Zurcher Zeitung de Zurich. L’homme poursuit en justice le Credit Suisse et l’UBS (qui a repris depuis le Credit Suisse) pour 15 millions de dollars. Comme le raconte La Tribune de Genève, l’ancien mari de Marie-Soazic Geoffroy « a porté l’affaire devant un tribunal de l’État américain de Washington, siège de Microsoft, dont les serveurs hébergeaient sa boîte e-mail » (1). La plainte doit être prise très au sérieux, la FINMA a déjà examiné manuellement plus de 1,2 million de documents issus des archives du Credit suisse.  

 

« Traitement CONFIDENTIEL »    

 

La presse suisse raconte dans le détail les opérations de surveillance contre l’ex-mari, qui auraient été commandées par Tidjane Thiam. En octobre 2016, Thiam relance l’agent de sécurité de la banque : « Avez-vous des informations sur la cible ? ». Réponse de l’employé : « Pas encore. Ils sont en train de mettre en place l’équipe de détectives. Ils doivent encore le retrouver, puis ils se mettront à ses trousses ». Autre message de Thiam : « Il ne va pas régulièrement au bureau. Il est donc très probablement chez lui ». Réponse de l’agent de sécurité : « J’essaie d’obtenir des informations aussi vite que possible. Je vous tiens au courant ».  

 

Avril 2017, un collaborateur du service de sécurité du Credit Suisse demande à une autre unité d’affaires si l’ex-mari est enregistré comme actionnaire ou mandataire auprès d’une quelconque société, ajoutant : « traitement CONFIDENTIEL ». Réponse : « Je suis soumis au secret bancaire, comme toi. Mais je ne trouve vraiment rien sous son nom ».

 

Une épouse banquière

 

Cette affaire peut-elle embarrasser l’ancien patron du Credit Suisse, qui a laissé en 2020 la banque dans une situation catastrophique (au point d’être reprise par son principal concurrent, l’UBS, en 2023) ? Les méthodes qu’il aurait utilisé en Suisse ne plaident pas en sa faveur. A la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire, Tidiane Thiam est candidat à l’élection présidentielle de 2025. Marie-Soazic Geoffroy, qui a l’épousé en 2021, est elle aussi banquière. Cette française a fait l’essentiel de sa carrière en Asie, à Hong-Kong, notamment chez Morgan Stanley. Elle a rejoint la Deutsche Bank à Paris en septembre 2023. Le site afriquinfos.com lui a consacré un très élogieux portrait le 8 novembre dernier évoquant son implication dans la carrière politique de son mari. Cette diplômée d’HEC Paris, âgée de 51 ans, a récemment visité le CHU de Treichville à Abidjan, auprès des enfants malades du cancer (2).  

 

 

  • Christian Brönnimann et Olivier Zihlmann, journalistes à la cellule enquête de Tamedia. « Tidjane Thiam a dirigé une opération d’espionnage par SMS ».
  • « Marie-Soazic Geoffroy Thiam, une nouvelle figure politique en Côte d’Ivoire ».

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)