L’avocat français Robert Bourgi assure la promotion de ses mémoires intitulés : « Ils savent que je sais tout – Ma vie en Françafrique » (éditions Max Milo) en sortant quelques saillies bien senties de sa longue carrière d’homme des missions secrètes de la françafrique, partie sombre et sale de la gestion des dirigeants français, et en réécrivant aussi parfois des épisodes de l’histoire qu’il avait racontée différemment.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Quand l’avocat Robert Bourgi sort de l’ombre, ils sont généralement des millions d’Africains à dresser les oreilles pour écouter, tant cet homme a symbolisé à lui seul les relations « incestueuses » de Paris avec des dictatures amies, en Afrique. « Vous m’offrez l’opportunité de laver ma conscience », concède-t-il au journaliste de France 24 qui l’interroge sur la sortie de son recueil de mémoires « Ils savent que je sais tout – Ma vie en Françafrique » (éditions Max Milo), co-écrit avec Frédéric Lejeal », et qui le pousse au besoin à égrener quelques anecdotes collectées au fil de ses pérégrinations africaines, les mains chargées de valises de franc-CFA offertes à Jacques Chirac.
Ainsi, entre arrangements occultes et autres coups bas, Robert Bourgi a su forger sa légende et anticiper, pour ainsi dire, le succès de ses mémoires. Le vétéran qu’il est devenu y dévoile en effet les dessous de ses missions secrètes en tant que conseiller officieux de l’Élysée pour l’Afrique. Dès lors, quand le journaliste fait défiler les noms de ses clients africains, certains ayant le profil de l’emploi, d’autres moins, Robert Bourgi fait ressurgir ses souvenirs, tapis dans un coin de sa mémoire, pour se rappeler chaque détail des transactions qu’il a supervisées, des amitiés politiques plus ou moins sincères qu’il a construites.
Gbagbo et Chirac
Parmi ces relations qui n’allaient pas de soi, il y avait celle incommodante qui a réuni Laurent Gbagbo et Chaque Chirac. Le président ivoirien était en effet un socialiste au pouvoir en Côte d’Ivoire face à un Jacques Chirac qui ruminait jusqu’aux frustrations de Félix Houphouët-Boigny, le premier président ivoirien, dont Gbagbo a été l’adversaire intrépide. Et rien que pour ces deux raisons, le président ivoirien était condamné.
Robert Bourgi le savait d’autant plus clairement qu’il n’hésite pas à mettre à contribution Gbagbo pour financer la campagne électorale de Jacques Chirac. De son côté, le président ivoirien est preneur. Ce geste de générosité peut lui permettre d’entrer dans les bonnes grâces du président français. Il crache donc au bassinet comme les autres à hauteur de 3 petits millions de dollars. De toute façon, cette contribution ne devait jamais tomber en dessous d’un million et Bourgi lui-même se faisait entretenir par Ali Bongo- combien pour les autres ?- à ce montant pendant des années.
Robert Bourgi prend pourtant soin de ne jamais dire ce qui arrive aux récalcitrants. Laurent Gbagbo, lui, a quand même chèrement payé cette générosité. Déconsidéré publiquement par Jacques Chirac qui encadre les accords de Marcoussis en France pour le dépouiller de ses pouvoirs, Gbagbo sera critiqué autant que possible par le président français qui le rendit responsable de tout, y compris de son refus de ne pas se faire émasculer plus que de raison. Plus tard, quand Gbagbo essayera de se débarrasser par la force de la rébellion de Guillaume Soro, l’armée française détruira, d’un côté, ses aéronefs au sol et tentera, d’un autre côté, de le renverser en novembre 2004.
L’histoire réécrite
Mais si l’armée française est autant remontée, c’est bien parce que le lycée français de Bouaké où avait emménagé des soldats français a été bombardé. Les pilotes des deux Sukhoï ukrainiens sont pourtant relâchés au Togo, ce qui en rajoute à la confusion autour de ce qu’il s’est réellement passé lors de ce bombardement qui a tué officiellement neuf soldats français.
Bref, Jacques Chirac est forcément celui qui a le plus symbolisé la françafrique, ses coups tordus et ses valises bourrés de francs CFA. Quant à Robert Bourgi, il est celui qui se donne le droit de refaire l’histoire de la françafrique quand cela l’arrange. Le 10 juillet 2014, il déclarait en effet sur les antennes de RFI que : « la France n’a jamais joué Ouattara contre Gbagbo. C’est lorsque le verdict des urnes a été foulé du pied par Laurent Gbagbo et ses partisans que le président Sarkozy, allié aux autres leaders européens et aux Etats-Unis, ont décidé d’en finir. Mais il n’y a jamais eu d’a priori de Sarkozy contre Gbagbo et pour Ouattara ». Or, pour vendre ses mémoires et peut-être prendre une petite revanche sur Ouattara, Robert Bourgi n’a pas hésité à dire que « c’est Gbagbo qui a gagné les élections, pas Ouattara » et que Nicolas Sarkozy, alors président français avait promis de vitrifier l’ancien président ivoirien. Laquelle des deux histoires doit-on croire ?