Et si Louis-Ferdinand CÉLINE nous parlait de la guerre au Liban et à Gaza en écrivant « Voyage au bout de la nuit »,
« Donc pas d’erreur? Ce qu’on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n’était pas défendu! Cela faisait partie des choses qu’on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C’était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre!… Rien à dire. Je venais de découvrir d’un coup la guerre tout entière. J’étais dépucelé. Faut être à peut près seul devant elle comme je l’étais à ce moment-là pour bien la voir la vache, en face et de profil. On venait d’allumer la guerre entre nous et ceux d’en face, et à présent ça brûlait! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe à arc. Et il n’était pas près de s’éteindre le charbon! On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu’il semble être, et sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne quand le courant d’en face lui passerait entre les deux épaules.
« De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre »
Il y a bien de façons d’être condamné à mort. Ah! combien n’aurais-je pas donné à ce moment-là pour être en prison au lieu d’être ici, moi crétin! Pour avoir, par exemple, quand il en était temps encore. On ne pense à rien! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c’est des mots.
Si seulement j’avais encore eu le temps, mais je ne l’avais plus! Il n’y avait plus rien à voler! Comme il ferait bon dans une petite prison pépère, que je me disais, où les balles ne passent pas! Ne passent jamais! J’en connaissais une toute prête, au soleil, au chaud! Dans un rêve, celle de Saint-Germain précisément , si proche de la fôret, je la connaissais bien, je passais souvent là, autrefois. Comme on change! J’étais un enfant alors, elle me faisait peur la prison. C’est que je connaissais pas encore les hommes. Je ne croirai plus jamais à ce qu’ils disent, à ce qu’ils pensent? C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours.
Combien de temps faudrait-il qu’il dure leur délire, pour qu’ils s’arrêtent épuisés, enfin, ces monstres ? Combien de temps un accès comme celui-ci peut-il bien durer ? Des mois ? Des années ? Combien. Peut-être jusqu’à la mort de tout le monde, de tous les fous ?Jusqu’au dernier ? Et puisque les événements prenaient ce tour désespéré je me décidais à risquer le tout pour le tout, à tenter la dernière démarche, la suprême, essayer, moi, tout seul, d’arrêter la guerre ! Au moins dans ce coin-là où j’étais. »
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