L’expo « NOIRES » de Roxane Mbanga électrise Paris 

Avec l’ouverture de la MansA à Paris, la scène afrodescendante trouve une maison à son image : chaleureuse, inclusive et créative. Pour son inauguration, la MansA confie ses clés à Roxane Mbanga, jeune artiste qui a fait du collectif et du partage une signature. L’exposition « NOIRES »  donne le ton d’un lieu pensé pour accueillir toutes les histoires et toutes les mémoires.

Le 3 octobre 2025 marque un moment clé pour la vie culturelle parisienne : la Maison des Mondes Africains, ou MansA, ouvre ses portes au 26 rue Jacques Louvel-Tessier. Cette adresse se rêve déjà en carrefour, pas seulement pour la capitale mais pour toute une génération désireuse de repenser la place des cultures afrodescendantes en France. La MansA n’est ni un musée ni une salle blanche où l’on chuchote devant des œuvres. Elle se veut maison au sens fort : on y entre comme chez soi, on y retrouve des souvenirs, on y partage des instants, on y construit une mémoire vivante.

À l’origine du projet, Elisabeth Gomis. Depuis huit ans, elle porte ce désir d’un lieu qui ne se contente pas de rassembler des objets, mais qui fasse place aux récits, aux corps, aux présences longtemps restées à la marge. MansA s’impose ainsi comme une alternative à l’Institut du Monde Arabe : ni imitation, ni simple « variation africaine », mais une maison où les identités circulent, où l’accueil est le maître-mot. Loin des formats muséaux figés, tout est fait pour que chacun puisse s’approprier l’espace, ressentir une émotion, s’y reconnaître ou se laisser surprendre.

Formée entre Paris et Amsterdam, elle navigue entre textile, installations et photographie, mobilisant autour d’elle une équipe complice. Sa proposition, « NOIRES », pose d’emblée les intentions du lieu : ouvrir la maison, en faire un espace d’expériences pour tous, quelle que soit la familiarité avec les codes de l’art contemporain. Dès la rue, la façade invite à entrer. À l’intérieur, on découvre une scénographie à hauteur d’enfant, pleine de couleurs et de textures : paniers d’osier, tissages, objets du quotidien, livres et disques tissent un fil conducteur entre l’intime et le collectif.

Écouter, toucher, s’asseoir, discuter, feuilleter, s’attarder

L’exposition ne cherche pas à imposer une vision unique. Elle invite au contraire à multiplier les approches. Dans le salon reconstitué, on peut prendre le temps de lire, d’écouter une playlist, ou simplement d’échanger quelques mots autour d’un panier de bananes plantain. Tout ici encourage la convivialité, le dialogue, le mélange des générations. Le projet de Roxane Mbanga puise dans son histoire personnelle, notamment à travers des portraits familiaux, mais il s’ouvre aussi aux expériences de toutes les personnes « noires » en France et ailleurs. Le livre éponyme « NOIRE·S » prolonge ce geste en donnant voix à la pluralité des récits.

Dans cette maison vivante, l’art et l’artisanat s’entremêlent. La pratique de Mbanga accorde une place essentielle au collectif : tout comme dans la mode, où de nombreux talents œuvrent dans l’ombre, elle tient à mettre en lumière le travail d’équipe, la circulation du savoir, la transmission. La scénographie et la photographie, portées par Mariette Kouame et d’autres complices, nourrissent un parcours à la fois sensible et ouvert. Nul besoin d’être initié : chacun peut, à sa façon, se saisir des œuvres, questionner, s’émerveiller, laisser résonner les histoires.

« C’est remettre au centre les femmes noires », affirme Mbanga. Mais au-delà de la dimension personnelle, l’exposition ouvre une réflexion sur la transmission, sur la trace que chacun laisse derrière soi, sur la manière dont les mémoires se croisent, se superposent, se répondent. « Quelle trace laisse-t-on, et pour qui ? » demande Elisabeth Gomis. La réponse tient dans l’énergie qui circule, dans la liberté offerte à chacun de s’approprier le lieu, dans la chaleur de l’accueil et la richesse des échanges.

En choisissant « NOIRES » pour ses débuts, la MansA affirme une ligne : celle d’un espace où la parole circule, où les récits afrodescendants trouvent enfin une place centrale, où la création n’est jamais isolée du vécu. Ce n’est pas une institution figée, mais une maison vibrante, qui donne à voir et à sentir la pluralité des mondes africains, au cœur de Paris.

Informations pratiques
Exposition : NOIRES, de Roxane Mbanga
Lieu : MansA – Maison des Mondes Africains, 26 rue Jacques Louvel-Tessier, 75010 Paris
Dates : du 4 au 26 octobre 2025
Entrée : gratuite, sur réservation obligatoire
Horaires : mardi-jeudi 14h-19h, vendredi 14h-21h, samedi 10h-19h, dimanche 11h-19h
Programmation associée : rencontres, ateliers, visites guidées (voir calendrier sur le site officiel)

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)