L’ancien président provisoire de la République tunisienne, Fouad Mebazaa, est décédé ce mercredi 23 avril 2025 à l’âge de 91 ans. Sa disparition marque la fin d’une époque pour une figure politique qui a joué un rôle clé dans la période charnière de la transition démocratique tunisienne, après la Révolution de 2011.
Sous la dictature de Ben Ali, Fouad Mebazaa est resté un pilier institutionnel, notamment en tant que président de la Chambre des députés de 1997 à 2011.Mais c’est à la suite de la Révolution du 14 janvier 2011, que son nom entre véritablement dans l’histoire nationale.
Le 15 janvier 2011, en vertu de l’article 57 de la Constitution, l’ex fidèle de Ben Ali, ralliant le processus démocratique, est désigné président de la République par intérim. Il assumera cette fonction cruciale jusqu’au 13 décembre 2011.
Les héritiers du Bourguibisme
Nous sommes à Monastir, le mercredi 6 avril 2011. La garde d’honneur, en grand uniforme, a pris position autour du mausolée blanc surmonté d’une coupole dorée. Pour la première fois, l’anniversaire de la mort du père de l’indépendance tunisienne, Habib Bourguiba, décédé onze ans plus tôt, va être célébré en grande pompe. Toute la Tunisie politique est au rendez-vous, pas un ministre ne manque à l’appel. En tête du cortège, le président Fouad Mebazaâ, 77 ans, et son Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, 84 ans.
Quatre mois après la chute du régime, c’est à ces deux personnalités, purs produits du bourguibisme, qu’a été confiée la mission de gérer, jusqu’aux élections, la Tunisie post-révolutionnaire. « Le régime de Ben Ali est mort le 14 janvier, mais il y a un État. Parce que Bourguiba en avait bâti les fondations. On en a la preuve aujourd’hui où l’on rend justice à celui qui représente l’intégrité et la grandeur de la Tunisie ! » clame le producteur de cinéma Tarak Ben Ammar, venu spécialement de Paris. Il figurait pourtant en bonne place, quelques mois plus tôt – c’était en août 2010 – sur une liste de soixante-cinq personnalités, signataires d’une pétition en faveur de la réélection du président Ben Ali pour un nouveau mandat… En ce printemps 2011, en Tunisie, les vestes se portent volontiers retournées.
Pour le président par intérim Fouad Mebazaâ, peu préparé à exercer une tâche aussi lourde dans de telles circonstances, la présence de Béji Caïd Essebsi à la Primature est rassurante. Ce sont deux Tunisois et ils se connaissent depuis longtemps. En 1967, lorsque le second était ministre de l’Intérieur, le premier était directeur de la sûreté. À l’époque, sur fonds de guerre des Six Jours, la synagogue de Tunis avait été attaquée par des extrémistes. Furieux, Bourguiba avait exigé que des têtes tombent et Mebazaâ avait été limogé. Mais les deux hommes étaient restés proches.
Le changement dans la continuité
Après la chute de Ben Ali, le président par intérim Mebazaâ avait reçu à plusieurs reprises au palais de Carthage son ancien patron… lequel ne cachait pas qu’à ses yeux le Premier ministre Mohamed Ghannouchi, resté à son poste après le départ de Ben Ali, n’était pas à la hauteur. Si bien que, lorsque ce dernier remet sa démission, Mebazaâ a déjà en tête le nom de son successeur. Et il ne faudra que quelques heures à Béji Caïd Essebsi pour donner son assentiment. Le temps de s’assurer qu’il aurait le soutien des forces de sécurité, ce qu’il fera au cours de trois entretiens discrets avec le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Rachid Ammar, puis le ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, et celui de l’Intérieur, Farhat Rajhi.o
Dès son arrivée à la Kasbah, l’ancien ministre de Bourguiba devient le véritable chef de l’exécutif même si, sur le papier, Mebazaâ, qui occupe le fauteuil de Ben Ali, dispose de pouvoirs beaucoup plus étendus. Cela tient à la fois à la personnalité des deux hommes et à la nature de leurs relations passées. Pour le président par intérim, Béji Caïd Essebsi, qui a sept ans de plus que lui, restera toujours l’aîné.