Dans un contraste saisissant qui caractérise le Royaume chérifien en ce début 2025, le Maroc consolide sa position sur l’échiquier mondial tout en affrontant de graves turbulences sociales en interne. L’ascension diplomatique et sportive du pays s’accompagne paradoxalement d’une crise sociale qui met à l’épreuve la capacité du gouvernement à répondre aux attentes d’une population de plus en plus exigeante.
Mohammed El Abbouch,
Deux victoires diplomatiques renforcent le soft power marocain, l’une sur les Droits de l’homme, l’autre au conseil de la FIFA
Le 11 mars dernier, les couloirs feutrés du Palais des Nations à Genève ont été témoins d’un moment historique pour la diplomatie marocaine. Mme Amina Bouayach, à la tête du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), a été portée unanimement à la présidence de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’Homme (GANHRI). Cette élection, soutenue sans réserve par le bloc africain, consacre l’expertise marocaine dans un domaine où le Royaume cherche à s’imposer comme référence.
À peine 24 heures plus tard, le 12 mars, c’est sur le terrain sportif que le Maroc a marqué un nouveau point décisif. Fouzi Lekjaa, proche conseiller du souverain Mohammed VI et architecte de la candidature marocaine pour le Mondial 2030, a été reconduit au Conseil de la FIFA lors d’un vote organisé en marge de l’Assemblée Générale de la Confédération Africaine de Football au Caire. Une position stratégique qui vient couronner la trajectoire fulgurante du football marocain, propulsé au rang des grandes nations de la discipline depuis sa performance historique au Qatar en 2022.
Une crise sociale qui s’envenime
Tandis que la stature internationale du Royaume se renforce, le front intérieur montre des signes inquiétants de fragilisation. Le gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch depuis octobre 2021 peine à convaincre une population confrontée à des défis économiques croissants. Un triptyque accablant résume le sentiment populaire : paupérisation généralisée, fractures sociales perçues comme un affront, et surdité gouvernementale face aux revendications citoyennes.
Cette situation alarmante pousse de nombreux jeunes Marocains à envisager l’émigration comme seule échappatoire, rejoignant ainsi une diaspora dont la contribution économique ne cesse de croître. Les transferts des Marocains résidant à l’étranger ont atteint le chiffre record de 117,7 milliards de dirhams en 2024, soit plus de 11 milliards d’euros – un paradoxe éloquent qui témoigne à la fois de l’attachement des expatriés à leur patrie et des insuffisances du modèle de développement actuel.
Le contraste est saisissant entre ces succès diplomatiques qui propulsent le Maroc au rang de « force pivot » sur la scène internationale, et l’incapacité apparente du gouvernement à capitaliser sur cette dynamique pour améliorer le quotidien de ses citoyens. Une dichotomie qui pose la question de la durabilité d’un soft power qui ne s’appuierait pas sur une base sociale solide et un développement inclusif.