Les opérations de « déguerpissement » se multiplient à Abidjan

La Côte d’Ivoire est notée à la 166è place de l’indice de développement humain en raison d’une économie certes performante mais extrêmement inégalitaire

A Adjamé, une commune mitoyenne au Plateau qui, elle, héberge la plupart des institutions de Côte d’Ivoire et les grandes entreprises commerciales, le déguerpissement d’une partie du village est vécu comme une tragédie. Depuis le 25 juillet, c’est donc le deuil chez les Atchan (populations autochtones d’Abidjan, ndlr) d’Adjamé qui ont été rejoints par ceux des communes d’Attécoubé, d’Agban, de Yopougon, Songon… Officiellement, ils sont venus s’informer et pleurer avec leurs frères d’Adjamé qui ont perdu une partie de leurs terres et leurs biens.

Désormais coupé en deux, le village offre au visiteur le spectacle insoutenable d’une énorme blessure avec ses gravats et ses maisons qui, lorsqu’elles sont encore debout, portent les stigmates de ces deux terribles journées de démolition. Depuis quatre jours, ustensiles de cuisine, lits, fauteuils et habits personnels jonchent les débris de béton éparpillés sur le passage des pelleteuses, tandis que ceux qui n’ont pas pu trouver un gîte, dorment encore à la belle étoile dans un mois juillet qui compte parmi les plus pluvieux.

L’absence de dédommagement

Samedi, en recevant les autres villages Atchans, le secrétaire général de la chefferie a expliqué que le village n’a pas perçu la somme de 4,5 milliards que le gouvernement dit avoir libérés dans un compte-séquestre dès le 17 juillet dernier, soit quelques jours avant le début de l’opération. « Nous dénonçons une tentative de manipulation qui vise à soulever la population contre ses chefs. Nous n’avons rien reçu de L’État », a-t-il ajouté.

Des copies d’un protocole d’accord signé le 24 juin 2020 entre l’Etat et la chefferie de l’époque avait en effet circulé sur les réseaux sociaux où elles sont rapidement devenues virales. Dans ce protocole, l’Etat de Côte d’Ivoire par le biais du ministère de l’équipement et de l’entretien du réseau routier et la chefferie du village indiquent s’accorder sur le passage du quatrième pont dans le village d’Adjamé contre le dédommagement des biens impactés par l’ouvrage pour un montant s’élevant à 4,5 milliards FCFA. Au titre de cet accord, le gouvernement s’engage également à bitumer plusieurs rues d’Adjamé-extension entre autres.

Mais le secrétaire général de la chefferie nie cet accord et assure que les négociations se poursuivaient avec le premier Beugré Mambé qui est lui aussi Atchan lorsque le gouvernement est passé aux actes. D’où leur colère. « Le premier ministre a promis que rien ne se passera sans qu’il en donne l’ordre. Mais voilà qu’en son absence du pays, on vient détruire notre village », a ajouté la chefferie pour bien relever l’outrage d’un tel passage en force.