La Financial Crimes Commission (FCC), l’institution mauricienne chargée de la lutte contre le blanchiment et la corruption, a obtenu de la Cour suprême le gel des comptes bancaires de l’homme d’affaires et de son épouse ainsi que les sociétés dans lesquelles il a des intérêts à l’Ile Maurice.
Vel MOONIEN
La Financial Crimes Commission (FCC) a ouvert une enquête contre l’homme d’affaires malgache Maminiaina Ravatomanga, dit Mamy. Le PDG du groupe SODIAT, un proche du président déchu Andry Rajoelina exfiltré par les militaires français dimanche, a atterri à Maurice dans des conditions rocambolesques quelques heures plus tôt à bord d’un Cessna appartenant à l’une de ses filiales, Trans Ocean Airways (TOA).
Deuxième plus grosse fortune de la Grande île, Mamy Ravatomanga est soupçonné d’avoir placé pas moins de 640 millions de dollars dans une banque commerciale dont l’État mauricien est actionnaire ainsi que dans des sociétés offshores en son nom propre et à travers des prête-noms.
L’enquête de la FCC s’inscrit dans le sillage des plaintes enregistrées contre le PDG de la SODIAT qui a quitté la Grande Île au mépris des règles établies avec l’ex-Premier ministre Christian Ntsay à bord de son jet. La FCC aurait également été approchée par la Côte d’Ivoire et la France.
L’institution déclare avoir obtenu des renseignements « crédibles » indiquant que Mamy Ravatomanga aurait transféré une somme importante d’argent à Maurice avec l’intention de la diriger vers une autre juridiction avant de repartir. La FCC a obtenu de la Cour suprême le gel des comptes bancaires de l’homme d’affaires, de son épouse ainsi que des sociétés dans lesquelles il a des intérêts à Maurice. La FCC se félicite ainsi de « faire de Maurice un environnement hostile aux activités financières illicites ». Peu après qu’un ordre d’interdiction de quitter le territoire a été émis contre Mamy Ravatomanga, il a été admis dans une clinique privée.
L’avocat Siddhartha Hawoldar s’est déjà présenté à la FCC pour indiquer que l’homme d’affaires comptait pleinement collaborer à l’enquête en cours. Celui-ci est une vieille connaissance de l’institution anciennement connu comme la Commission anticorruption. Elle avait ouvert une enquête sur lui il y a sept ans à la demande du Parquet national financier qui s’intéressait à des acquisitions en France.
Figurant en bonne place dans les « Panama Papers », il faisait l’objet d’une enquête du PNF pour blanchiment en bande organisée et fraudes fiscales, car soupçonné d’avoir acquis des biens immobiliers en région parisienne au moyen d’un montage financier impliquant diverses sociétés basées à Dubaï, Singapour et Maurice.
Cette fois, les enquêteurs mauriciens sont cependant au pied du mur. Ils doivent composer avec les soubresauts politiques à Madagascar avant d’accéder à des éléments solides de leurs confrères du Pôle anticorruption.
Mamy Ravatomanga a déjà fait l’objet d’une enquête pour trafic de bois de rose sous la présidence de Marc Ravalomanana. Il s’était alors rapproché d’Andry Rajoelina, maire de Tananarive, ce qui lui a évité des déboires auprès du Pôle anticorruption lorsque ce dernier a été désigné président lors du coup d’état qui s’est ensuivi. Outre des soupçons de détournement de fonds au détriment de la Jirama, la compagnie nationale d’eau et d’électricité de la Grande île, ce sont ses montages offshores qui ont attiré l’attention du PNF en février 2016.
Parallèlement à l’enquête de la FCC, le Premier ministre par intérim Paul Bérenger a poussé un coup de gueule après avoir appris les circonstances dans lesquelles le jet privé de la TOA a atterri à Maurice. L’appareil a quitté Ivato sans autorisation et ce n’est qu’en cours de route qu’il a réclamé l’autorisation de l’aéroport de Plaisance pour atterrir. Le pilote a d’abord évoqué une évacuation sanitaire avant de parler de voyager de tourisme pour finalement soutenir qu’il était à court de carburant. Aux yeux de Paul Bérenger c’est une grave entorse aux procédures et pourrait être mal perçu par les Malgaches.
Vendredi, le Conseil des ministres a ainsi annoncé qu’une enquête policière a été ordonné contre le pilote pour non-respect des règles de vol. Le directeur par intérim de l’Aviation civile estime qu’une infraction pénale pourrait avoir été commise par le pilote, qui n’a pas déposé de demande d’atterrissage au moins dix heures avant le vol. La police sollicitera ensuite l’avis du Directeur des poursuites publiques (DPP) en vue d’éventuelles poursuites. Un salon privé ayant accueilli l’homme d’affaires et sa famille ainsi que l’ex-Premier ministre malgache est aussi dans le collimateur de Paul Bérenger.