Les derniers sondages donnent le Rassemblement National de Marine Le Pen en position dominante dans la nouvelle Assemblée Nationale qui sera élue dimanche en France, mais sans la majorité des sièges. À condition toutefois que les électeurs suivent les consignes des partis de gauche et du clan présidentiel de tout faire pour barrer la route à l’extrême droite. Ce qui n’a rien de certain compte tenu des violences verbales qui ont marqué pendant les trois semaines de campagne électorale les relations entre les proches d’Emmanuel Macron et le nouveau Front Populaire accusé de façon caricaturale d’antisémite
Le 30 juin la participation avait été très élevée, atteignant plus de 66%, vingt points de plus que lors des précédentes élections. Le désir des Français de jouer un rôle pour déterminer leur avenir politique s’est traduit dans les urnes, confirmant les prévisions des sondages. Les électeurs du RN se sont mobilisés- ils ont été plus de 11,5 millions contre 8,1 millions au premier tour de l’élection présidentielle en 2022, comme ceux de la gauche ou du camp présidentiel. Avec cette mobilisation, les rapports de forces des élections européennes n’ont pas bougé, ils sont brutalement devenus réels, ils se sont cristallisés.
La participation sera-t-elle aussi forte ce dimanche?
Mais comment vont réagir les électeurs dont les candidats ont été éliminés, ou n’ont aucune chance de l’emporter, particulièrement ceux du camp présidentiel ? On plonge dans l’inconnu. La participation sera-t-elle différente selon les territoires et les enjeux circonscription par circonscription ? Pourrait-elle même être encore plus forte ? Après tout, il reste théoriquement plus de 30% d’électeurs qui n’ont pas voté ! Mais ce qui pourrait l’emporter c’est le dépit. Faute de candidat qui leur corresponde, un nombre significatif d’électeurs pourraient s’abstenir.
- Le Front républicain et les triangulaires
La forte participation a entraîné plus de 300 triangulaires, c’est-à-dire la possibilité pour trois candidats de se maintenir au second tour. Il en restera moins d’une centaine après les désistements du NFP et d’Ensemble, le camp présidentiel, face au RN. Mais celui-ci était déjà en passe de l’emporter dans 142 circonscriptions où il dispose de plus de 40% des voix au premier tour. Jusqu’au bout le camp présidentiel a été divisé. Le Premier Ministre Gabriel Attal a martelé que « pas une voix ne devrait aller au RN. » D’autres et pas des moindres – l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, l’ancienne Présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, ou certains ministres du gouvernement- n’ont pas hésité à écarter un soutien aux candidats LFI. N’oublions pas que la campagne du camp présidentiel a renvoyé sans relâche, dos à dos les deux extrêmes, le RN et le NFP au nom de l’antisémitisme supposé de LFI.
Peut-on passer ainsi d’un discours à l’autre, appeler à voter pour ceux qui étaient dénoncés, quelques jours plus tôt, comme des ennemis de la République sans perdre des électeurs au passage ? Même si la vérité est souvent relative en politique, c’est impossible. Il y aura des pertes en ligne, des abstentionnistes. Le RN l’a compris qui dénonce l’union des contraires et le mépris de « l’intelligence des électeurs ». La désunion au sein du NFP sur Jean-Luc Mélenchon qui proclame sa capacité à être Premier ministre, devrait accentuer la démobilisation électorale. Et LFI a d’ores et déjà refusé toute coalition gouvernementale anti-RN avec le camp d’Emmanuel Macron, après le 7 juillet.
Comment le Front républicain peut-il vraiment bousculer les résultats, alors que l’électorat est aussi fortement polarisé et territorialisé ? L’ensemble de la France rurale et des petites villes plébiscite le RN, la gauche domine dans les métropoles et le camp présidentiel s’effondre. D’une circonscription à l’autre ce sont deux Frances qui s’affrontent.
La dynamique, pour l’instant, est du côté du RN, même si les sondages constatent un certain recul du nombre de sièges que l’extrème droite peut espérer obtenir compte tenu des désistements de la gauche et du clan présidentiel dans deux cent circonscriptions. Avec une majorité relative autour de 220/ 230 députés, le RN restera la force dominante au sein de la nouvelle assemblée face à deux blocs incapables de s’entendre entre eux. De quoi alimenter une sorte de chaos politique inquiétant.
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