Le RN à la tête du groupe France-Maroc à l’Assemblée

Cette victoire, une première en la matière pour le parti de Jordan Bardella, officialise les liens étroits que la formation d’extrême droite entretient avec Rabat. Une présidence qui ne manquera pas de provoquer des débats, notamment au sein de la communauté marocaine établie en France. L’exécutif et le RN s’accordent désormais sur un choix stratégique clair : privilégier le Maroc comme partenaire clé au Maghreb.

Le Rassemblement national a franchi une nouvelle étape sur la scène politique française en obtenant la présidence du groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale. Le Maroc, récemment décrit par Emmanuel Macron comme le relais de Paris pour une « approche africaine réinventé », était un objectif de longue date pour le RN, désireux de montrer sa respectabilité diplomatique.

Les liens entre l’extrême droite française et le royaume chérifien remontent à plusieurs décennies : Jean-Marie Le Pen, cofondateur du Front national et récemment disparu, entretenait des relations amicales avec le pays et avait même été reçu personnellement par le roi Hassan II en 1990.

Au cours des dernières années, le pays a noué des relations privilégiées avec des cadres du Rassemblement national comme Thierry Mariani, qui avait pris régulièrement la défense de Rabat au Parlement européen lors du « Marocgate » et « Qatargate », deux scandales de corruption de plusieurs eurodéputés. Ancien cadre du Front national, Aymeric Chauprade s’est également imposé comme un soutien précieux du royaume en signant notamment un livre élogieux à l’égard de Mohamed VI : Géopolitique d’un roi : essai sur un Maroc moderne et multipolaire (éditions Ellipses, 2019).

RN et Maroc : le paradoxe

Cette présidence soulève néanmoins des paradoxes notables. Le Rassemblement national s’est construit sur une rhétorique virulente à l’égard des populations d’origine maghrébine et musulmane en France, qu’il a souvent stigmatisées dans ses discours sur l’immigration ou l’insécurité.

À l’heure actuelle, Rabat semble privilégier ses intérêts géostratégiques, notamment dans un contexte où le soutien français est crucial pour la question du Sahara occidental, un dossier qui constitue « le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international » selon les propres mots du roi.

La question reste toutefois ouverte : le royaume assumera-t-il publiquement cette proximité avec un parti d’extrême droite qui, bien qu’hostile aux diasporas maghrébines, représente désormais une force politique incontournable en France ? Cette ambiguïté pourrait susciter des débats et des tensions, tant au sein des élites du pays qu’auprès de la diaspora marocaine en France.

RN et Emmanuel Macron : ensemble

Cette prise de contrôle du groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale intervient dans un contexte de tensions diplomatiques régionales et bilatérales. Les relations actuelles entre Paris et Alger sont marquées par des crispations croissantes, notamment depuis l’arrivée au ministère de l’Intérieur de Bruno Retailleau, qui avait assumé publiquement il y a plusieurs semaines être « partisan d’une politique de fermeté avec l’Algérie ».

Au contraire, la lune de miel entre Paris et Rabat semble partie pour durer depuis que le président Macron a réaffirmé en octobre dernier son soutien à « l’autonomie sous souveraineté marocaine du Sahara occidental ».

Ainsi, un point d’entente unit désormais l’exécutif et le Rassemblement national : le choix clairement assumé de sceller une alliance stratégique avec le Maroc face à l’Algérie, qui a rompu ses relations avec son voisin de l’Ouest en 2021 à la suite « d’actions hostiles » à son encontre, selon le ministère algérien des Affaires étrangères.