La semaine culturelle africaine débute sur Netflix par un thriller nigérian

De Dakar à Accra, de Saly à Polokwane, l’Afrique créative fait battre le tempo. Réflexion collective à l’African Music Business Dialogue d’Accra, peinture engagée avec Gérard Gabayen à Saly, hommage vibrant à Linah Ebony Ngcobo pour ses 40 ans de carrière à Polokwane, concert de Kananayé à Montreuil, mais aussi fictions coup-de-poing comme « Disco Afrika » et « Baby Farm », ou documentaire remarqué avec « Les Filles du Nil « : une semaine foisonnante où l’art africain interroge et émeut.

« Baby Farm » : un thriller nigérian qui dévoile l’horreur des trafics d’enfants

Sortie le 21 mars 2025 sur Netflix, la série nigériane « Baby Farm » expose avec intensité la réalité des « fermes à bébés » au Nigeria, à travers le parcours poignant d’Adanna, une jeune femme enceinte piégée par une ONG aux apparences trompeuses.

Dans les méandres de Lagos, une ville où les contrastes entre richesse et pauvreté sont saisissants, se déroule l’histoire d’Adanna, une jeune femme enceinte originaire d’une communauté rurale. Attirée par les promesses d’une ONG dirigée par le charismatique Dr. Oliver Evans et son épouse, Sister Barb, elle espère y trouver refuge et soutien pour elle et son futur enfant. Cependant, derrière la façade bienveillante de cette organisation se cache une réalité sordide : un réseau de trafic d’enfants exploitant des femmes vulnérables pour en tirer profit.

« Baby Farm » est une série limitée nigériane réalisée par Kayode Kasum et Walter Taylaur, avec Mo Abudu en tant que productrice exécutive. Diffusée sur Netflix depuis le 21 mars 2025, elle s’inscrit dans une volonté de mettre en lumière des problématiques sociales critiques à travers une narration captivante. Le scénario, signé Darrel Bristow-Bovey, s’appuie sur des faits réels pour dénoncer les abus et les injustices subis par de nombreuses femmes au Nigeria.

Le casting réunit des acteurs de renom, notamment Rita Dominic, qui incarne Cherise, une actrice célèbre aux prises avec des problèmes de fertilité, se retrouvant malgré elle impliquée dans les activités illégales de l’ONG. Onyinye Odokoro prête ses traits à Adanna, offrant une performance bouleversante qui traduit avec justesse la détresse et la résilience de son personnage. À leurs côtés, Joseph Benjamin, Langley Kirkwood et Jenny Stead complètent une distribution talentueuse, apportant profondeur et crédibilité à cette histoire sombre et complexe.

La série se distingue par sa capacité à mêler suspense et critique sociale. Chaque épisode dévoile progressivement l’ampleur du réseau criminel, tout en explorant les dilemmes moraux et les luttes internes des personnages. Les réalisateurs parviennent à créer une atmosphère oppressante, reflétant l’emprise psychologique exercée par les trafiquants sur leurs victimes. Les scènes, parfois difficiles, sont filmées avec une sensibilité qui évite le voyeurisme, privilégiant une approche respectueuse des sujets abordés.

La production de « Baby Farm » a nécessité une immersion profonde dans les réalités locales. Les réalisateurs et l’équipe de production ont collaboré étroitement avec des associations locales pour s’assurer de l’authenticité du récit. Cette démarche a permis de donner une voix aux victimes réelles de ces trafics, contribuant ainsi à sensibiliser le public à une problématique souvent ignorée ou minimisée.

Depuis sa sortie, la série a suscité de nombreuses réactions, tant au Nigeria qu’à l’international. Les critiques saluent unanimement la qualité de la réalisation, la performance des acteurs et la pertinence du sujet traité. « Baby Farm » est perçue comme une œuvre courageuse, osant aborder des thèmes tabous et dénoncer des pratiques criminelles profondément enracinées. Elle a également relancé le débat sur la nécessité de renforcer les mesures de protection des femmes et des enfants dans les régions vulnérables.

Mo Abudu, productrice exécutive de la série, a exprimé son engagement à travers ce projet : « Donner vie à ‘Baby Farm’ a été un voyage intense et profondément important. Cette série est plus qu’un simple thriller ; c’est une histoire puissante ancrée dans des problèmes réels, racontée à travers le prisme d’une narration africaine audacieuse et cinématographique. » Cette déclaration reflète la volonté de l’équipe de production de créer une œuvre à la fois divertissante et porteuse de sens.

Au-delà de son aspect dramatique, « Baby Farm » sert de catalyseur pour des discussions plus larges sur les droits des femmes, la corruption et les défis auxquels sont confrontées les sociétés africaines contemporaines. Elle invite les spectateurs à une introspection sur les structures sociales qui permettent de telles atrocités et sur les actions nécessaires pour y remédier.

Disponible sur Netflix depuis le 21 mars 2025, « Baby Farm » offre une plongée saisissante dans une réalité méconnue, portée par des performances d’acteurs remarquables et une réalisation soignée.

 

L’African Music Business Dialogue 2025 s’installe à Accra

Le 28 mars 2025, l’African Music Business Dialogue investira le Mausolée Kwame Nkrumah à Accra. Artistes, producteurs, experts et décideurs s’y réuniront pour penser l’avenir de l’industrie musicale africaine et affirmer son poids à l’échelle mondiale.

Le 28 mars 2025, la capitale ghanéenne accueillera l’un des événements les plus attendus du secteur musical africain : la quatrième édition de l’African Music Business Dialogue (AMBD). Organisée dans l’enceinte symbolique du Mausolée Kwame Nkrumah, haut lieu de mémoire panafricaine, la conférence entend réunir les principaux acteurs de l’industrie musicale du continent autour d’un objectif commun, celui de libérer le potentiel créatif de l’Afrique et poser les bases d’un développement structuré, durable et internationalement reconnu.

Sous le thème évocateur « Libérer le potentiel créatif de l’Afrique », l’édition 2025 de l’AMBD se veut à la fois un lieu d’échanges, de réflexion stratégique, de formation et de réseautage. L’événement rassemblera artistes, managers, producteurs, juristes, journalistes, représentants d’institutions et entrepreneurs culturels dans une série de panels, de keynotes et de discussions ouvertes, abordant les réalités du marché musical africain dans toute leur complexité. L’accent sera mis sur les nouveaux modèles économiques, les enjeux liés aux droits d’auteur, la distribution numérique, la monétisation des œuvres, ainsi que sur les défis logistiques que posent les tournées et les performances live sur le continent.

Parmi les intervenants annoncés, plusieurs noms témoignent de la diversité des expertises réunies à Accra : Albert Nii Ayi Tagoe, expert-comptable et auteur ; Kim Poole, artiste et fondatrice du Teaching Artist Institute ; Albert Sarpong, directeur de Cinema 57 ; Ruddy Kwakye, personnalité médiatique et producteur ; Stanley Khoza, vice-président de l’AIRCO ; Nyiwa Katalayi, artiste et entrepreneur ; Zamani Ndimane, consultant pour Def Jam ; Enoch ‘Trigmatic’ Nana Yaw Oduro-Agyei, musicien et fondateur même de l’AMBD ; ainsi que des figures comme Chris Attoh, Bobby Banson ou Dellasie Aning. Leur présence souligne l’ambition de l’événement, celui de créer une interface solide entre les mondes créatif, juridique, économique et institutionnel.

Fidèle à sa vocation de plateforme vivante, la conférence intégrera aussi des performances musicales d’artistes venus de plusieurs pays africains, affirmant l’importance de conjuguer théorie et pratique, parole et musique, analyse et célébration.

L’idée fondatrice de l’African Music Business Dialogue repose sur un constat clair. Malgré un dynamisme artistique exceptionnel et une audience internationale croissante, l’industrie musicale africaine reste sous-structurée. Les talents abondent, mais les cadres juridiques, les systèmes de distribution, les droits voisins ou la formation professionnelle ne suivent pas toujours. L’AMBD s’inscrit dans une volonté de transformation de cet écosystème, en misant sur l’échange de savoirs, la professionnalisation des acteurs et la consolidation des réseaux panafricains.

Depuis sa première édition, l’AMBD a su s’imposer comme un espace d’élaboration collective, permettant à des artistes émergents comme confirmés de rencontrer des professionnels expérimentés, d’accéder à des ressources et de penser leur carrière sur le long terme. Les éditions précédentes ont notamment abordé des thématiques comme le rôle du streaming, la place de la femme dans l’industrie musicale, l’exportation des musiques africaines ou encore le financement de projets culturels à travers le continent.

La tenue de cette nouvelle édition à Accra, au cœur d’une capitale réputée pour son effervescence culturelle, n’est pas anodine. Le Ghana s’affirme de plus en plus comme un carrefour stratégique des industries créatives en Afrique de l’Ouest.

Les organisateurs de l’événement encouragent d’ailleurs toutes les personnes intéressées par l’évolution de la musique africaine à participer à cette journée. L’inscription est ouverte en ligne via le site officiel du dialogue. Que l’on soit artiste indépendant, producteur aguerri, étudiant en management culturel ou décideur public, l’AMBD offre un espace unique pour apprendre, débattre, nouer des partenariats et faire progresser ensemble une industrie dont le potentiel ne demande qu’à s’épanouir pleinement.

« For All » de Gérard Gabayen à Saly : une œuvre pour tous, un regard sur chacun

À la Maison d’Afrique de Saly, du 28 mars au 14 septembre 2025, l’exposition « For All » de l’artiste sénégalais Gérard Gabayen invite à repenser notre lien au monde. Une traversée picturale entre engagement, humanité et nature.

L’artiste sénégalais Gérard Gabayen investit la Maison d’Afrique de Saly avec une exposition dense, vibrante, intitulée « For All », qui s’étend du 28 mars au 14 septembre 2025. À travers une trentaine d’œuvres, Gabayen offre un regard singulier, libre et profondément ancré dans les réalités sociales et environnementales du monde contemporain. Formé à l’École nationale des Beaux-Arts de Dakar, mais rapidement affranchi des cadres institutionnels, il déploie dans cette exposition un langage visuel personnel, qui allie énergie du geste, puissance chromatique et engagement viscéral. « For All » est un manifeste, un appel, un chant lancé vers l’autre, une adresse collective, comme le suggère son titre.

Dans l’espace lumineux de la Maison d’Afrique, les toiles de Gabayen s’imposent comme autant de mondes ouverts. L’œil est happé par des couleurs vives, parfois flamboyantes, où le rouge dialogue avec le bleu, le vert éclate, le noir structure. Les formes sont en mouvement, les contours volontairement instables, comme pour rappeler que l’identité est toujours en construction, que le vivant est toujours en tension. Rien n’est figé dans cette peinture-là. Chaque toile semble surgir d’un élan vital, d’une nécessité intérieure. L’artiste y interroge la condition humaine, mais aussi la relation de l’homme à son environnement : les paysages se mêlent aux corps, les arbres s’enracinent dans les silhouettes, les visages deviennent des territoires. Il y a dans ces œuvres une manière de dire l’interdépendance du monde, de rendre visible ce que nos regards trop pressés ne perçoivent plus.

Gérard Gabayen ne peint pas pour décorer, il peint pour éveiller. Son art est une manière de parler, de protester, d’aimer aussi. Il donne à voir des scènes du quotidien, parfois traversées d’une dimension spirituelle, mais toujours traversées par l’histoire, la mémoire, et une certaine urgence. À travers ses tableaux, c’est aussi tout un pan de la société sénégalaise qui se dessine, entre traditions et fractures, luttes intimes et espoirs collectifs.

Né à Mbour en 1975, Gérard Gabayen a su, au fil des années, imposer une signature forte dans le paysage artistique africain. Ses œuvres ont été exposées au Sénégal, mais aussi à l’international,

Le vernissage, prévu le 28 mars de 18h à 21h, lancera une saison placée sous le signe de la réflexion et du partage. Le public pourra ensuite visiter l’exposition du lundi au samedi de 9h à 20h, et le dimanche de 9h à 13h.

Dr Linah Ebony Ngcobo célèbre 40 ans de musique à Polokwane

Le 29 mars 2025, la chanteuse sud-africaine Dr Linah Ebony Ngcobo fêtera ses quatre décennies de carrière par un concert événement au Meropa Casino & Entertainment World. Une soirée hommage à une icône de la musique sud-africaine.

Quarante années de passion, de voix, de luttes et de création musicale seront célébrées le 29 mars 2025 à Polokwane, où la légendaire Dr Linah Ebony Ngcobo montera sur scène au Meropa Casino & Entertainment World pour un concert exceptionnel retraçant sa carrière. Figure incontournable de la scène sud-africaine depuis les années 1980, Linah Ngcobo — également connue sous le nom de Linah Khama — s’est imposée par sa voix inimitable et son talent à incarner l’âme d’un pays à travers ses chansons. Cet événement-anniversaire, au-delà du spectacle, s’annonce comme une rencontre émouvante entre une artiste et son public, un moment de mémoire et de transmission.

Depuis ses débuts dans un contexte culturel complexe et politiquement tendu, la chanteuse n’a cessé d’élever la voix, sur scène comme en dehors, pour défendre l’art comme forme de résistance, d’expression et de libération. Elle a traversé les époques, les modes et les générations sans jamais renier son style, marqué par un savant mélange d’influences traditionnelles sud-africaines, de soul, de pop et de rythmes contemporains

Dr Linah Ebony Ngcobo interprétera ses titres les plus marquants, revisitant les grands moments de sa discographie, mais aussi quelques morceaux récents, preuve que sa créativité demeure intacte. Des invités spéciaux, collègues de longue date ou jeunes artistes inspirés par son parcours, viendront partager la scène pour lui rendre hommage. Des duos inédits, des relectures surprenantes de ses classiques sont attendus tout au long de la soirée.

Le parcours de l’artiste dépasse le cadre strictement musical : elle a été témoin et actrice des grandes mutations de son pays. Dans un univers longtemps dominé par les voix masculines, elle a su s’imposer par sa rigueur artistique, son charisme et sa capacité à toucher des sujets universels. Chacune de ses chansons porte en elle une part de lutte, d’amour, d’histoire et de poésie. Elle chante la femme, l’Afrique, la douleur et l’espoir.

La célébration du 29 mars 2025 sera donc aussi l’occasion de mettre en lumière la place des femmes dans la musique sud-africaine, leur rôle fondamental dans la construction d’un patrimoine artistique durable. Linah Ebony Ngcobo, par sa longévité et son influence, ouvre la voie à toutes celles qui rêvent de chanter, d’écrire, de créer, malgré les obstacles.

Les billets pour ce concert-hommage sont déjà disponibles en ligne.

Kananayé en concert au Festival Rares Talents à Montreuil

Le 4 avril 2025, l’artiste Kananayé se produira à Montreuil dans le cadre du Festival Rares Talents, lors d’une soirée dédiée aux rythmes afro et aux croisements sonores modernes. Un concert unique à ne pas manquer.

Le vendredi 4 avril 2025, le Café La Pêche à Montreuil accueillera l’une des soirées les plus attendues de l’édition 2025 du Festival Rares Talents. Intitulée Afrique Pulsations Croisées – 1, cette date réunira plusieurs artistes qui incarnent la richesse et le dynamisme des musiques afro-descendantes modernes. Parmi eux, Kananayé, étoile montante d’une scène en plein renouveau, offrira un concert très attendu, entre introspection poétique et transe sonore. La soirée débutera à 20h, avec ouverture des portes dès 19h. Les billets sont disponibles en prévente à 10 €, ou sur place au tarif de 12 €.

Révélée par des apparitions remarquées dans les circuits alternatifs, Kananayé s’est imposée comme une voix singulière, portée par un univers riche en contrastes. Originaire d’Afrique de l’Ouest, elle fusionne les rythmes traditionnels de son héritage avec des influences actuelles telles que le jazz, la soul ou l’électro. Cette hybridité musicale s’incarne dans un style qui ne cherche jamais à séduire par l’effet facile, mais qui touche par sa sincérité et sa profondeur. À travers ses textes, chantés en bambara, en français ou en anglais, elle interroge les notions de territoire et de mémoire, avec une poésie à fleur de peau.

Sur scène, Kananayé déploie une énergie magnétique. Sa voix, tour à tour douce et puissante, envoûte et bouleverse. Elle sera accompagnée de musiciens choisis avec soin, tous animés par la même volonté de créer une expérience sensorielle immersive. Sa prestation s’inscrira dans une soirée complète mêlant musiques live et DJ set. Le duo African Variations ouvrira les festivités, suivi par le concert de Kananayé, avant de céder la place à Radio Le Grigri pour une clôture dansante aux accents afro-électriques. Un enchaînement qui promet un véritable voyage sonore, au cœur des diasporas africaines et de leurs résonances contemporaines.

Le Festival Rares Talents, organisé chaque année à Montreuil, est devenu un rendez-vous incontournable pour les amateurs de musiques du monde et de découvertes audacieuses. Sa programmation met en lumière des artistes émergents ou peu médiatisés, venus d’horizons divers, qui partagent un même désir d’exploration et de transmission. Plus qu’un simple festival, Rares Talents est un espace d’écoute, de partage et de circulation culturelle, fidèle à l’esprit cosmopolite de la ville qui l’accueille. À Montreuil, où cohabitent depuis longtemps les cultures et les traditions, cette initiative trouve un terrain naturel et fertile.

La venue de Kananayé à cette édition 2025 est hautement symbolique. Elle incarne cette nouvelle génération d’artistes afro qui ne se contentent pas de reproduire les modèles du passé, mais qui inventent de nouvelles formes, libres et métissées. Son parcours est à l’image de sa musique : mouvant, exigeant, indiscipliné. Son premier album, sorti en 2024, a été salué pour sa force évocatrice, sa richesse instrumentale et la cohérence de sa vision artistique. Entièrement autoproduit, il a séduit un public fidèle, séduit par l’authenticité de sa démarche et la densité émotionnelle de ses compositions.

Le concert du 4 avril au Café La Pêche sera l’occasion de découvrir ces morceaux en live, dans une atmosphère intime mais électrisante. L’artiste promet quelques surprises, avec peut-être l’introduction de nouveaux titres en préparation.

Pour réserver vos places, rendez-vous sur le site officiel du Festival Rares Talents. Et pour ne rien manquer, gardez un œil sur les annonces de dernière minute.

« Disco Afrika », un souffle nouveau pour le cinéma malgache

Avec « Disco Afrika : Une histoire malgache » , le réalisateur Luck Razanajaona signe un film puissant et sensible qui donne la parole à la jeunesse de Madagascar, confrontée à la corruption, à l’exil intérieur et au choix entre révolte et résignation.

Présenté en avant-première au Festival de Marrakech en novembre 2023, puis en février 2024 à la Berlinale où il a reçu une mention honorable du jury de l’AG Kino – Gilde e.V., « Disco Afrika : Une histoire malgache » fait figure d’événement dans le paysage du cinéma africain contemporain. À travers le parcours d’un jeune homme pris entre survie et éveil politique, le film explore avec justesse et sans compromis les blessures sociales et morales d’un pays en crise. Porté par une mise en scène sobre et habité par des acteurs au jeu intense, il révèle surtout un regard inédit, celui de la jeunesse malgache qui cherche à faire entendre sa voix.

Le héros du film, Kwame, a vingt ans. Comme beaucoup de jeunes Malgaches, il n’a pas d’autre choix que de travailler dans les mines illégales de saphir pour survivre. Le labeur est dur, les conditions inhumaines, l’avenir bouché. Mais un événement imprévu le contraint à revenir dans sa ville natale, où il retrouve sa mère et ses amis d’enfance. Ce retour, loin de constituer un apaisement, l’immerge dans un monde qu’il ne reconnaît plus : une société rongée par la corruption, les inégalités croissantes et la résignation. Kwame se trouve alors à la croisée des chemins. Va-t-il céder à l’appel de l’argent facile, comme tant d’autres ? Ou bien choisir de résister, au risque de tout perdre ?

Ce dilemme intime, ancré dans une réalité sociale lourde, devient la matrice d’un récit à la fois personnel et politique. Car si le film de Luck Razanajaona touche si juste, c’est parce qu’il ne cherche pas à donner de leçons, mais à raconter avec humanité. La caméra suit Kwame sans jamais le juger. Elle épouse ses doutes, ses colères, ses silences. Le rythme du récit épouse la lente montée en tension d’une prise de conscience. Le spectateur est pris dans cette spirale douce et brutale, entre espoir et fatalisme. Le film ne propose pas de solution, mais il pose les bonnes questions, et c’est ce qui fait sa force.

Le choix du casting contribue aussi à la réussite du film. Parista Sambo, dans le rôle de Kwame, offre une prestation remarquable de retenue et d’intensité. À ses côtés, Laurette Ramasinjanahary (Mama), Joe Lerova (Idi), Drwina Razafimahaleo (Bezara) et Jérôme Oza (Babaa) composent une galerie de personnages justes et incarnés. Leurs interactions révèlent, dans les non-dits comme dans les confrontations, les fractures d’une société où chacun tente de s’en sortir comme il peut. Le travail de direction d’acteurs, tout en finesse, laisse place à l’émotion brute.

« Disco Afrika » est aussi un film visuel fort. La photographie capte la beauté brute des paysages malgaches, mais aussi la rudesse des lieux de vie, des espaces dégradés, des marges où se déroulent la majorité des scènes. Le contraste entre ces décors et la jeunesse des protagonistes donne à l’image une densité poétique, accentuée par une bande-son discrète mais efficace. Il n’y a rien de spectaculaire dans ce film, mais tout y est essentiel. Chaque plan, chaque regard, chaque silence compte.

Le film parle à toute une génération africaine, confrontée aux mêmes dilemmes : partir ou rester, se taire ou résister, subir ou rêver. En cela, le film de Luck Razanajaona s’inscrit dans une nouvelle vague de cinéma africain indépendant, qui mêle ancrage local et résonance universelle. Sa sélection dans des festivals internationaux de premier plan, comme Marrakech ou Berlin, témoigne d’une reconnaissance croissante de ces voix singulières, longtemps marginalisées, qui proposent une autre image de l’Afrique : lucide, sensible, critique, inventive.

Produit en collaboration avec plusieurs pays (France, Allemagne, Madagascar, Maurice, Afrique du Sud et Qatar), « Disco Afrika » est aussi un exemple de coproduction réussie, respectueuse de l’identité culturelle du récit. C’est un signal encourageant pour le développement du cinéma malgache, encore trop peu visible sur les écrans internationaux, malgré la richesse de ses talents.

En donnant une voix à la jeunesse, en filmant sans fard les failles et les forces de la société malgache, « Disco Afrika » s’impose comme une œuvre marquante, à la fois cri de colère et déclaration d’amour.

Le film est actuellement disponible en streaming gratuit sur la plateforme TV5MONDEplus.