Les cortèges massifs en soutien aux Palestiniens se succèdent sur tous les continents. Les images des manifestations dans le monde arabe sont impressionnantes tant par le nombre de participants que par la colère qui s’en dégage. En Turquie, elles ont commencé dès les premiers bombardements d’Israël sur Gaza, depuis la frappe sur l’hôpital Al-Ahli, les cortèges sont devenues quotidiens. Des islamistes radicaux à la gauche laïque et républicaine. Mais sans se mélanger
Ce 17 octobre, moins d’une heure après que la nouvelle du bombardement de l’hôpital, les Turcs sont les premiers à sortir spontanément, avant même les Palestiniens de Cisjordanie, ou les Jordaniens. A Ankara, ils se massent devant l’ambassade israélienne, à Incirlik, ils tentent de prendre d’assaut la base de l’OTAN. A Istanbul, les manifestants, dont la très grande majorité sont des hommes, affluent devant le consulat d’Israël aux cris d’ »Allahou akbar ».
Au fil du temps, la foule enfle, jusqu’à 80 000 personnes, un soir, seront rassemblées avec des appels à aider les frères musulmans de Palestine « qui se font massacrer par les sionistes ». Assez rapidement la situation dégénère, des projectiles sont lancés sur le consulat, la police réplique avec des gaz lacrymogènes. Même si ces manifestants sont pour la plupart des islamistes proches de l’AKP, le parti du Président Erdogan, les forces de l’ordre sont obligées de garantir la sécurité de l’emprise diplomatique.
Bilan : un mort d’un arrêt cardiaque, 63 blessés, dont 23 policiers, la plupart ont été victimes de malaises dus à ces gaz, de fabrication brésilienne, particulièrement toxiques.
Le lendemain, autre lieu, autre ambiance… L’alliance pour le travail et la démocratie, représentant la gauche laïque opposante à Erdogan a organisé un défilé pour défendre Gaza près de la place Taksim. Munis de drapeaux jaunes et oranges, les manifestants dénoncent « La colonisation, l’impérialisme occidental et son soutien au projet sioniste. »
En Turquie, il n’y a pas de front commun, pas d’amalgame entre les différents courants de la cause palestinienne. Si religieux et laïques le même soutien aux Gazaouis, il n’est pas envisageable qu’ils manifestent ensemble. Il n’empêche, de chaque côté de l’échiquier politique, la condamnation d’Israël est unanime.
Erdogan joue sur du velours
Depuis la frappe sur l’hôpital d’Al-Alhi les rassemblements devant le consulat d’Israël à Istanbul sont devenus des rendez-vous quotidien de la colère. Devant le danger, Tel Aviv a demandé à tous ses ressortissants de quitter ce pays, le consulat américain à Adana est fermé jusqu’à nouvel ordre. Toujours après cet événement tragique, dont personne en Turquie n’émet un doute sur la provenance de la frappe, Erdogan a été le seul président à décréter trois jours de deuil national.
Après la conférence de l’Organisation de Coopération Islamique à Djeddah le 18 octobre, le président turc a eu des mots très durs envers Israël employant le terme de « génocide contre la population de Gaza » et s’en est pris également au Conseil de Sécurité qu’il a jugé « de plus en plus inefficace et a une fois de plus failli à sa mission. Les pays occidentaux, qui ont tant parlé des droits de l’homme et des libertés, n’ont rien fait d’autre que de jeter de l’huile sur le feu. »
Confronté à une grave crise économique et à un fort mécontentement populaire, le chef de l’Etat turc sait que la cause palestinienne transcende les partis. Il n’hésite donc pas à hausser le ton et à s’en prendre à ses alliés de l’OTAN comme à Tel Aviv, pour autant comme le rappelle un militant de la gauche turque : « il affiche un discours antisioniste, certes, mais dans la pratique il garde des liens étroits avec Israël. »
Le « en même temps » d’Erdogan qui risque d’être de plus en plus difficile à tenir…