Pulchérie Edith Gbalet, présidente ivoirienne d’ACI (Alternative citoyenne ivoirienne) et une des principales figures de la société civile, a été interpellée ce 3 Août à son retour de Bamako, où elle avait tenté une médiation dans l’affaire des militaires ivoiriens emprisonnés. Elle a été interrogée sur son séjour au Mali par les services de renseignement de la DST ivoirienne, avant d’être finalement relâchée, le lendemain jeudi, après l’intervention de ses avocats. Dernier rebondissement dans ce dossier sensible, le Président du Haut conseil islamique du Mali et l’archevêque de Bamako ont effectué une démarche commune auprès des autorités maliennes en vue d’un dénouement heureux et positif.
Un article de Michel Galy
Cette garde à vue a du rappeler de bien mauvais souvenirs à l’activiste ivoirienne et à ses partisans. Rappelons que Pulchérie Gbalet a été incarcérée neuf mois à la Maison d’arrêt d’Abidjan, la MACA, pour avoir demandé le respect de la Constitution et s’être opposée au troisième mandat anti constitutionnel d’Alassane Ouattara.
Cette fois, c’est un sujet très sensible qui est la cause de son interpellation: les relations entre le Mali et la Côte d’Ivoire, et la situation des 49 militaires ivoiriens incarcérés depuis le 10 Juillet par le régime militaire dirigé par le président Assimi Goïta.
Que diable Pulchérie Gbalet est elle allée faire dans la galère malienne? Officiellement la sociologue ivoirienne, qui a des contacts pan africains, a été invitée de manière impromptue par des représentants de la société civile malienne.
Mauvais climat entre Bamako et Abidjan
Les tensions sont grandes en effet entre la Côte d’Ivoire, l’alliée des Français, et le Mali, désormais en froid avec la France. Paris accuse d’illégitimité la junte militaire qui a renversé le régime d’Ibrahim Boubakar Keita,sur l’instigation de l’opposition civile et de leaders religieux comme l’imam Dicko. D’autant que le colonel Assimi Goita et son premier ministre Choguel Maiga développent une rhétorique anti coloniale qui devient parfois anti française, au point d’avoir obligé la force Barkhane française Barkhane, la force européenne Takuba et peut être bientôt les forces internationales de la MINUSMA( 15000 hommes)à à quitter le Mali.
Le chef de l’état ivoirien, relais des initiatives de l’Élysée, a été le fer de lance d’une offensive contre la junte malienne, notamment en soumettant le Mali à un long embargo via la CEDEAO. Le débarquement à Bamako de 49 militaires ivoiriens dans deux avions a créé une véritable crise diplomatqiueDans cette affaire embrouillée le régime malien accuse ce commando de tentative de putsch, tandis qu’Abidjan prétend à un appui ponctuel à la Minusma, sans pour autant en apporter de preuves précises.
Les 49 ivoiriens seraient incarcérés dans une base du groupe paramilitaire russe Wagner, et les tentatives de médiation, via le régime togolais, ont échoué .
Une médiation utile
Dans ce contexte la médiation de Pulchérie Gbalet avait une incontestable utilité. Le régime d’Abidjan en a jugé autrement et s’est offusqué qu’une opposante non mandatée puisse agir à sa place. D’où l’arrestation de Pulchére Gbalet à sa descente d’avion et son transfert à la DST.
Relâchée le jeudi 4 août, l’opposante a tenu une conférence de presse, ce vendredi 5 aout, en dénonçant un interrogatoire ubuesque et les hantises du régime. Ainsi le préfet de police et ses sbires ont confondu son interlocuteur à Bamako, Sidi El Moktar, président de l’association «Unis pour le Mali-UPM », avec le djihadiste Mokktar Belmokhtar, pourtant donné pour mort plusieurs fois !
C’est que le calendrier politique ivoirien se télescope avec l’affaire malienne. Comme chaque année, le président ivoirien devrait promettre, lors de la fête nationale le 7 août, la libération des prisonniers politiques. D’autant que l’opposition, le PPA-CI de Laurent Gbagbo et le PDCI d’Henri Konan Bédié, se sont engagés dans une « réconciliation » pour l’instant très formelle. Verra-t-on les trente derniers prisonniers politiques libérés après dix ans de geôle sans jugement? Rien n’est pourtant moins sûr tant le pouvoir ivoirien est hésitant et fébrile.