La Côte d’Ivoire, un marché prometteur pour le champagne

La Côte d’Ivoire est devenue le deuxième importateur d’Afrique en nombre de bouteilles de champagne. Parce que la consommation s’est élargie à une nouvelle classe moyenne supérieure.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

 

Selon le dernier rapport du comité interprofessionnel du vin de Champagne, la Côte d’Ivoire est devenue en 2021 le deuxième importateur de champagne en Afrique en termes de bouteilles de champagne vendues, 646 000, juste derrière l’Afrique du Sud, et le troisième en valeur des importations, soit 12,7 millions d’euros, derrière le Nigeria.

C’est ce juteux marché qu’Olivier Dumontel, directeur de la société Racines, la filiale locale du groupe Global Fine Wines & Champagne (GFWC) vient d’enlever. En juin, ce Français né en Côte d’Ivoire a remporté l’appel d’offres pour la distribution des champagnes et spiritueux dans le pays dont Moët et Chandon, Dom Pérignon, Mercier et Ruinart.

Autrefois, ce marché était détenu par Prosuma qui en avait le monopole depuis des années et qui continuait de proposer des prix un tantinet plus élevés alors que le marché s’est considérablement développé, indiquent ses détracteurs. Au point que ni la pandémie de Covid-19 en 2020 et 2021, ni la guerre russo-ukrainienne et l’inflation consécutive n’ont infléchi les ventes de champagne en Côte d’Ivoire, aiguisant encore plus l’appétit des importateurs.

Le statut se mesure au champagne

Le groupe Prosuma reste malgré tout un partenaire important du groupe LVMH a choisi de changer de distributeur afin de « mieux concentrer ses efforts et déployer une stratégie plus ambitieuse pour ses marques de champagne », a indiqué Bakary Yéo.

Au début des années 2000, la consommation du champagne n’était réservée qu’à une élite privilégiée, notamment les enfants de ministres et autres héritiers de grandes fortunes fréquentant des clubs tels que le Top Raphia à l’hôtel Ivoire, la Place Vendôme, la Piedra ou le Mont Fleury au Plateau. C’est avec l’avènement du coupé-décalé, porté par ses superstars Douk Saga et DJ Arafat qui affichent un mode de vie fait d’ostentation que le champagne s’est imposé comme un incontournable des boîtes de nuit abidjanaises.

Car seule une frange restreinte de consommateurs boit du champagne à domicile, en petit comité. En revanche, l’essentiel de la consommation se fait dans les boîtes de nuit, où les prix commencent à 60 000 francs CFA (près de 100 euros) pour monter jusqu’à plusieurs millions de francs CFA dans les établissements les plus prestigieux.

 

L’ivresse des égos démesurés

Le champagne flatte tellement les égos que les « bars climatisés » – boîtes de nuit populaires et peu onéreuses – ainsi que les maquis proposent du vin mousseux, pour que les fêtards les moins fortunés puissent imiter les boucantiers. Et même si depuis la mort de DJ Arafat [en 2019], le coupé-décalé a quelque peu perdu ses outrances, en revanche, la culture du champagne est restée, assure un amateur des nuits abidjanaises.

D’ailleurs, le profil des consommateurs s’est diversifié. Désormais, boire du champagne est devenu la règle au sein de la nouvelle classe moyenne supérieure. Et les boîtes de nuit l’ont tellement bien compris qu’elles accompagnent les commandes de champagne de luminaires, de feux de Bengale et de procession d’hôtesses, tandis que le nom du client est scandé par le disc-jocker.

Tout cela contribue à une forte demande du champagne. Au point que certains établissements peu scrupuleux y ont flairé une aubaine. En plus des marges généreuses sur les bouteilles qui leur sont vendues, certains clients alcoolisés et inattentifs peuvent ainsi se voir proposer, aux petites heures du matin, une bouteille ordinaire étiquetée – et facturée – comme un grand cru. « Il y a aussi beaucoup de contrefaçons locales, signale une amatrice de champagne. J’en ai déjà fait l’expérience plusieurs fois en boîte de nuit. Mais beaucoup de clients ne s’en aperçoivent pas. En réalité, la plupart des consommateurs ne boivent pas du champagne parce qu’ils en apprécient le goût, mais pour être vus en train d’en boire. »