La scène cinématographique turque a été secouée vendredi dernier à la suite de l’annonce de l’annulation du célèbre festival Altin Portakal (l’Orange d’or) après une vive polémique concernant un documentaire traitant des purges après la tentative de coup d’État de la secte Gulen en 2016.
Le maire d’Antalya, la ville méditerranéenne hôte de cet événement cinématographique annuel, a exprimé ses regrets dans une déclaration vidéo publiée sur le réseau social X. « C’est avec une grande tristesse que je m’adresse à tous les amateurs de cinéma pour leur annoncer l’annulation de notre festival, initialement prévu du 7 au 14 octobre, en raison de circonstances extérieures », a-t-il déclaré.
Au centre de cette agitation se trouve le film documentaire intitulé Le Décret. Ce film narre le destin tragique d’un médecin et d’un enseignant, victimes de la vague de répression qui a balayé la Turquie après la tentative de coup d’État contre le président Recep Tayyip Erdogan en 2016.
Après une sélection initiale pour concourir au festival, le documentaire a été écarté de la compétition, suscitant l’indignation de la communauté cinématographique. De nombreux réalisateurs et professionnels du cinéma ont élevé la voix pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « censure ».
Face à cette levée de boucliers, les jurés du festival ont publié un communiqué poignant: « Nous rejetons catégoriquement toute tentative visant à incriminer un film et la banalisation de la censure dans notre domaine. Nous sommes prêts à renoncer à nos postes si le film n’est pas réintégré. »
Devant la pression, les organisateurs du festival ont temporairement réadmis Le Décret en compétition. Cependant, à la suite d’accusations provenant du ministère de la Culture – qui a qualifié le film de « propagande » en faveur du prédicateur Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’être le cerveau derrière la tentative de coup d’État –, le film a été à nouveau exclu et le ministère a retiré son soutien au festival.
La réalisatrice du film, Nejla Demirci, a fermement rejeté ces allégations. « Qualifier notre travail d’apologie de Feto (acronyme utilisé pour désigner le mouvement güléniste) ou de terrorisme est purement et simplement absurde », s’indigne-t-elle.
Depuis sa création en 1964, le festival de l’Orange d’or s’est imposé comme l’un des plus prestigieux événements cinématographiques de Turquie, souvent comparé au célèbre festival de Cannes en France.
Pour rappel, le coup d’État manqué du 15 juillet 2016 a donné lieu à des purges massives en Turquie, visant non seulement les partisans présumés du mouvement Gülen, mais également une large palette d’opposants, incluant des militants kurdes, des intellectuels et des journalistes.
Avec AFP