La communauté turque de France soutient Erdogan

En France, en 2018, la communauté turque avait massivement voté pour Recep Tayyip Erdogan. Il n’est pas exclu qu’il en aille de même en 2023.

En 2018, le président sortant Recep Tayyip Erdogan avait obtenu 65,3% des suffrages de la diaspora turque de l’Hexagone. Erdogan était arrivé en tête dans cinq des grandes villes françaises où le scrutin était organisé : Paris, Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lyon, où il a même recueilli même 86,8% des suffrages (25 769 voix).  

En revanche, à Marseille, c’est Selahattin Demirtas, le candidat du parti prokurde HDP, qui était arrivé en tête, avec 45,8% des voix. Mais Erdogan le talonnait avec 43,7% des suffrages.

Comme l’avait expliqué à franceinfo Sami Kilic, ancien journaliste de l’hebdomadaire Zaman France – proche de la mouvance de l’imam Fethullah Gülen, accusé par le pouvoir turc d’avoir fomenté la tentative de coup d’Etat en 2016 –, « il y a un attachement très fort, quasi irrationnel, à la personne d’Erdogan » chez les Turcs en France.

Peu de mariages mixtes 

Dans Marianne, Didier Billon, specialiste de la Turquie à l’IRIS estime qu’en 2023, le pourcentage ne devrait pas être totalement différent. « Il est fort probable qu’encore une fois, Erdogan fasse un meilleur score en France qu’en Turquie » affirme-t-il.

Ce vote islamiste de la communauté turque en France tient à son caractère « très endogène, qui ne se mélange pas beaucoup… Il y a peu de mariages mixtes même s’ils ont tendance à se développer. Il m’est arrivé de rencontrer des femmes turques qui étaient en France depuis de nombreuses années mais ne parlaient pas un mot de français. Tout cela est un indicateur du fait qu’il n’y a pas beaucoup d’intégration à la France » ajoute Didier Billon.

L’Anatolie conservatrice

 « Une partie importante de la communauté turque en France est venue directement des provinces anatoliennes sans passer par la case des grandes villes turques telles qu’Ankara et Istanbul. Or, on sait très bien que cette partie de l’électorat est particulièrement conservatrice, attachée aux traditions ». En Turquie, toute l’Anatolie vote pour le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir).

Pour Didier Billon, « il ne faut pas sous-estimer le rôle des imams en France. Jusqu’à présent, les imams étaient envoyés par l’État turc en France. Salariés de l’État, ce sont des gens qui, bien souvent, ne parlent pas Français et donnent des cours de religion en turc. Les valeurs défendues par ces imams ne sont pas particulièrement progressistes mais plutôt en faveur d’Erdogan. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la France a estimé qu’elle devait mieux contrôler la typologie des imams qu’Ankara envoie à Paris. Toujours est-il que les imams installés en France, depuis des années, sont une façon déguisée de faire de la propagande à la gloire
du président Erdogan ».

Au total, la diaspora turque à l’étranger, c’est trois millions d’électeurs seulement. Mais en cas de scrutin serré, ce vote marginal peut faire la différence.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)