La tension est extrême entre l’opposition de gauche et la coalition sioniste-religieuse emmenée par Benjamin Netanyahu en Israël sur la fameuse réforme judiciaire.
En Israel, le 11 juillet, des milliers de manifestants ont bloqué routes et autoroutes à travers tout le pays pour s’opposer au projet de réforme du système judiciaire du gouvernement emmené par Benjamin Netanyahou. Ils ont aussi tenté de paralyser l’aéroport Ben Gourion, brulé des pneus sur les autoroutes et ont provoqué des heurts avec la police.
La refonte judiciaire consiste en plusieurs projets de loi qui ont pour but d’affaiblir le pouvoir de la Cour suprême d’Israël. Pour la coalition au pouvoir, des juges non élus qui se cooptent entre eux, interviennent trop largement dans le champ politique et sont un frein à la vie démocratique. Pour l’opposition, la coalition au pouvoir tente d’altérer la démocratie en Israel.
L’impossible compromis
La réforme annoncée au début de l’année a provoqué un mouvement de protestation tel qu’il a paralysé la nation et forcé le Premier ministre Benjamin Netanyahu à suspendre les projets de refonte du système judiciaire. Une commission bi-partite a siégé pour tenter de trouver un compromis. Mais sans succès.
Alors, faute d’accord avec l’opposition, en juillet, la coalition au pouvoir a entrepris de relancer son projet de réforme, mais en le saucissonnant. Ce n’est plus un projet de loi global qui est présenté au vote des députés, mais des réformes successives. Ainsi un projet de loi visant à supprimer la la clause de « déraisonnabilité » a été présenté et voté avec succès mardi 11 juillet. Cette clause de « déraisonnabilité » permettait à la cour suprême de s’opposer à un projet de loi ou à la nomination d’un ministre non pas sur le fondement d’une loi, mais en raison de son caractère « déraisonnable ».
La coalition soutient que la mesure du caractère « raisonnable » est trop arbitraire et donne aux juges non élus le pouvoir d’annuler les décisions des élus. Mais les partisans disent que le test est un outil nécessaire pour prévenir la corruption.
Deux autres votes sont nécessaires avant que l’argument de « déraisonnabilité » soit sorti du champ d’action de la Cour Suprême.
D’autres points de la réforme sont susceptibles de provoquer des violentes réactions au sein de l’opposition. Netanyahu a déclaré au Wall Street Journal qu’il avait abandonné le projet de loi qui aurait donné au Parlement le pouvoir d’annuler une décisions de la Cour suprême. Mais peu de temps après, des membres du parti Likud de Netanyahu et d’autres hauts responsables de la coalition ont déclaré que ce point de législation n’avait pas été supprimée mais qu’il serait révisé.
Une autre projet de loi clé est celui qui briserait le comité qui permet aux juges de se coopter. Là est le cœur de la réforme : donner aux politiques un pouvoir de nomination sur les juges de la cour suprême comme cela se produit aux Etats Unis ou en France.
Fractures
Cette crise judiciaire est surtout un révélateur des fractures d’Israel. On a ainsi vu des réservistes affirmer qu’ils renonceraient à s’entraîner si le projet de loi passait ; un boycott qui pourrait avoir des conséquences sur la sécurité nationale.
L’opposition de gauche a aussi ouvertement fait appel aux Etats Unis pour que le président Biden et d’autres membres de son administration s’opposent à la réforme judiciaire. L’ambassadeur des Etats Unis en Israel et le président Joe Biden ont ainsi publiquement appelé le gouvernement Netanyahu à ralentir les réformes et à rechercher un consensus sur les changements à apporter au système judiciaire.
L’industrie technologique, fleuron industriel d’Israel, s’est rangée massivement du côté de l’opposition et joue un rôle central dans la protestation contre la refonte. Les patrons de la high tech affirment que cette décision mettra trop de pouvoir entre les mains de la coalition au pouvoir et fera fuir les investissements et les talents.
Lundi, le gouverneur de la Banque d’Israël, Amir Yaron, a déclaré que l’incertitude causée par la poursuite du débat sur la refonte a conduit à une forte dévaluation de la monnaie du pays, le shekel, ainsi qu’à la sous-performance du marché boursier du pays.
Netanyahu a fait valoir que la refonte judiciaire améliorera l’économie d’Israël à long terme en supprimant les obstacles aux affaires.
Des centaines de milliers d’Israéliens ont participé aux 27 semaines consécutives de manifestations contre le changement du système judiciaire. Ces manifestations ont été parmi les plus importantes de l’histoire du pays.
La législation a aussi révélé des fissures entre les communautés laïques et religieuses d’Israël.
Cette crise politique survient au moment ou les tensions montent en Cisjordanie avec les Palestiniens et avec le Hezbollah au nord d’Israël.