La diversité des ressources marines dans les eaux gambiennes représente une opportunité de création d’emplois et de développement pour le pays. Cependant, la multitude d’acteurs dans le secteur de la pêche à Sanyang (les pêcheurs artisanaux locaux, les pêcheurs employés par l’usine de farine de poisson, et les navires industriels) entraîne un risque d’atteintes aux droits fondamentaux de la population, ou de violations de ces droits.
Un rapport d’Amnesty International (Extraits)
L’absence de consultation approfondie et de transparence quant à la gestion de la pêche bafoue le droit d’accéder à l’information et celui de participer aux affaires publiques. Les accords de pêche internationaux ne sont pas systématiquement passés en revue par le Parlement avant d’être mis en œuvre, et les habitantes et habitants n’ont pas été dûment consultés avant l’installation de l’usine de farine de poisson.
De plus, la prévalence d’une pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INDNR) par des navires industriels étrangers porte atteinte au droit au travail des pêcheurs artisanaux locaux, qui ont de plus en plus de difficultés à trouver des prises et dont les filets sont régulièrement abîmés par les bateaux industriels étrangers qui pêchent illégalement. Par conséquent, le travail et les conditions de vie des transformateurs de poisson artisanaux et des mareyeurs, notamment les personnes qui sèchent et celles qui fument le poisson, sont également affectés par la pêche dérégulée, car ils achètent le poisson aux pêcheurs artisanaux. Les mareyeurs qui vendent des poissons pélagiques (comme les sardinelles) sont en concurrence directe avec l’usine de farine de poisson, qui cible les mêmes espèces. Des tonnes de poisson sont exportées chaque année dans le cadre des activités des usines de farine de poisson, des bateaux industriels étrangers et des entreprises de transformation du poisson qui visent les marchés étrangers.
La pêche, gage de la sécurité alimentaire
Le poisson étant la principale source de protéines animales de la population locale, leur sécurité alimentaire est véritablement menacée. Le secteur du tourisme est également affecté négativement par la présence des nombreux acteurs de la pêche. D’une part, les propriétaires des restaurants, tout comme les transformateurs de poisson, subissent la hausse du prix du poisson due à la pénurie et à la présence d’un grand nombre de chalutiers étrangers.
D’autre part, selon leurs affirmations, le tourisme a diminué en raison de l’odeur nauséabonde en provenance de l’usine de farine de poisson, apparue avant les restrictions liées au COVID-19 et qui persiste depuis. Les femmes qui travaillent dans les potagers situés juste derrière l’usine se sont également plaintes d’une baisse de leur productivité depuis l’ouverture de l’usine, en raison d’une augmentation des nuisibles. L’impact environnemental potentiel de l’usine de farine de poisson doit faire l’objet d’une étude plus approfondie, notamment en ce qui concerne l’élimination des déchets et des eaux usées. L’odeur nauséabonde et la présence récurrente de poissons morts sur la plage, sont la conséquence directe de la surpêche pratiquée par les pêcheurs travaillant pour l’usine. L’usine doit collaborer avec les habitantes et habitants pour évaluer les conséquences de sa présence pour eux, et trouver des moyens de limiter ou de mettre un terme aux effets négatifs.
Des espèces surexploitées
D’autre part, les navires industriels étrangers et l’usine de farine de poisson ciblent des espèces déjà pleinement exploitées, voire surexploitées. C’est le cas du bonga, de la sardinelle, du mérou, de la crevette rose d’eau profonde et de la seiche. Le gouvernement doit réglementer la production des usines de farine de poisson, et adapter les permis accordés aux bateaux étrangers en fonction des stocks de poisson et des besoins de la population locale pour sa consommation. Les tensions entre la population et l’usine de farine de poisson ont atteint leur paroxysme en 2021, lorsqu’un groupe de jeunes locaux a incendié une partie de l’usine et des équipements de pêche. À la suite de cet événement, la police a arrêté au moins 50 personnes, parfois de manière arbitraire. Au moins deux hommes ont affirmé avoir été forcés à signer une déclaration lors de leur détention, et trois autres déclarent avoir été frappés. Le gouvernement doit mener une enquête sur toutes les allégations d’« aveux » obtenus sous la contrainte et de torture et autres mauvais traitements, et veiller à ce que les droits humains des personnes dont le procès n’est pas terminé soient respectés