Coupe du monde: Tunisie, les coulisses de la discorde

La Tunisie fait son entrée en Coupe du monde ce mardi face au Danemark. Les Aigles de Carthage n’abordent pas cette sixième participation dans la plus grande des sérénités. Si la victoire sur l’Iran (2-0), mercredi dernier lors de l’ultime match de préparation, a fait taire certaines critiques, ni la constitution de la liste pour le Mondial ni la « gouvernance » de la Fédération tunisienne de football (FTF) par son président Wadii Jarii ( voir l’image ci dessus) ne suscitent le consensus dans le pays. Loin s’en faut.

L’annonce des 26 joueurs retenus pour la Coupe du monde par le sélectionneur, Jalel Kadri, a fait couler beaucoup d’encre au pays et dans la diaspora tunisienne. Au-delà des habituels débats sur les choix individuels, l’option prise d’emmener quatre gardiens de but au Qatar (quand la plupart des équipes se contentent de trois) sème le soupçon. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une manœuvre clientéliste de la FTF, par le truchement des primes de participation octroyées par la FIFA.

Car Zurich ne lésine pas sur les moyens pour gratifier les clubs qui enverront des joueurs à la Coupe du monde. Chaque formation percevra « environ 10 000 dollars (soit 11 400 euros) pour chaque jour passé par un joueur en sélection – du début de sa préparation officielle jusqu’au dernier match dans la compétition », a annoncé l’instance. Dans le creux de la vague, deux formations de l’élite, l’Etoile sportive du Sahel et le Club Africain, vont bénéficier grâce à leurs gardiens de but d’un appréciable bol d’air en cette période de marasme sportif. Et la FTF d’espérer s’attirer ainsi les bonnes grâces des dirigeants de ces clubs historiques.

La fronde du CS Chebba

 
Il en faudra toutefois plus pour calmer la fronde provoquée par le président Wadii Jarii, à la tête de la Fédération depuis 2012. Le 22 septembre dernier, c’est avec force quolibets et slogans hostiles qu’une dizaine de supporters du Croissant sportif chebbien (CS Chebba) avaient accueilli le dirigeant à Croissy-sur-Seine (Yvelines), où les Aigles de Carthage disputaient un match amical contre les Comores. Une semaine plus tard, ces passionnés recevaient la bonne nouvelle qu’ils attendaient depuis des semaines : le Tribunal arbitral du sport (TAS), saisi par les dirigeants de leur club de cœur, leur avait donné raison et ordonné la réintégration de leur équipe en Ligue 1 tunisienne.

Le CS Chebba avait décidé de saisir la juridiction sportive afin de faire appel de la décision du comité d’appel de la Fédération tunisienne d’entériner le résultat du match ayant opposé le Club Africain au CS Chebba (1-0), le 13 avril 2022. Interrompue par l’irruption sur la pelouse du président clubiste, alors suspendu, le match n’avait alors pas donné lieu à une défaite sur tapis vert comme le prévoit le règlement. Si tel avait été le cas, le club plaignant n’aurait pas été relégué. Le TAS a donc estimé que les arguments de la partie chebbienne étaient fondés. Un nouveau caillou dans la chaussure de Wadii Jarii, président de Fédération dans le viseur de la FIFA à quelques semaines la Coupe du monde.

Objet du courroux de l’instance internationale, l’ingérence des autorités du pays dans les affaires du football. « Il a été porté à notre connaissance que les autorités étatiques sembleraient vouloir s’immiscer dans les affaires et la gestion de la FTF, notamment en envisageant la dissolution du bureau fédéral… Les associations membres de la FIFA sont statutairement tenues de gérer leurs affaires de manière indépendante et sans influence de tiers », pouvait-on lire dans un courrier daté du 24 octobre et adressé au président de la Fédération tunisienne de football, Wadii Jarii. Soumis à un ultimatum, le boss avait déminé le dossier et évité la suspension de son équipe. Mais il reste un homme sous haute surveillance.