Le Vatican face à la colère d’une fronde du clergé ivoirien 

Dans le diocèse de Man, à 567 Km et sept heures de route d’Abidjan, c’est désormais la non coopération active entre l’Évêque, Gaspard Béby Gnéba, et ses 54 prêtres qui lui reprochent son autoritarisme et son appel public aux laïcs à dénoncer ceux d’entre eux qui entretiennent une vie conjugale cachée.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

La Cathédrale Saint Michel du diocèse de Man, témoin impassible du conflit ouvert entre l’Evêque et ses prêtres.

On était déjà arrivé au point de non-retour dans le diocèse de Man, à 567 km d’Abidjan, lorsqu’il y a quelques années, des prêtres avaient bravé leur Évêque, Mgr Gaspard Béby Gnéba, pour dénoncer sa mauvaise gestion des ressources financières du diocèse, son autoritarisme et les incessantes scènes d’humiliation qu’il leur inflige.

Ancien professeur de théologie liturgique au grand séminaire « Notre Dame » de Gagnoa, en pays béthé, Mgr Gaspard Béby Gneba a été nommé Evêque du diocèse de Man le mardi 18 septembre 2007, en remplacement de Joseph Niangoran Téki atteint par la limite d’âge. Mais ses relations avec ses prêtres se sont vite dégradées. L’Evêque de Man est accusé d’autoritarisme, de gabegie mais aussi d’entretenir des relations amoureuses non autorisées autant que celles qu’il reproche à ses prêtres.

N’ayant pas apprécié cet affront, ainsi que les accusations de ses prêtres, l’Evêque de Man a appelé, lors d’une émission radio, tous les chrétiens de son diocèse à dénoncer les prêtres qui mènent une double vie en entretenant des relations amoureuses avec des femmes.

 

Excuses publiques

Cette décision a alors hérissé ses prêtres, lesquels ont décidé de lui faire payer cette humiliation publique. Ainsi contre tous les usages, ils ont entrepris de rencontrer la conférence épiscopale pour exposer leurs griefs, puis la Nonciature pour que le Pape, lui-même, prenne une décision capable de mettre l’Evêque hors d’état de nuire. Mais ce sont plutôt les pairs ivoiriens qui ont réagi les premiers en demandant à leur collègue de présenter ses excuses à ses prêtres, ce que Mgr Gaspard Béby Gneba a fait. Sauf que ces derniers ont exigé, par parallélisme des formes, qu’il rende ces excuses publiques via la même radio.

Ce que le prélat a refusé de faire et depuis, une coordination de « la Fraternité des Prêtres du Diocèse de Man » est née mais, en plus, elle ne reconnaît plus l’autorité de l’Evêque qui est interdit de visites pastorales dans les 54 paroisses signataires du mémorandum de non collaboration. Prenant alors la mesure de l’impasse, le Pape François décide de nommer, le 27 décembre dernier, le Cardinal Jean Pierre Kutwa, ancien chef de l’Eglise ivoirienne et archevêque émérite d’Abidjan, administrateur apostolique du diocèse de Man avec pour mission d’aider à juguler le conflit ouvert entre l’Evêque et ses prêtres.

 

Ressourcement spirituel

En tant qu’’administrateur apostolique sede plena, l’ancien Evêque d’Abidjan a désormais la charge de gouverner le diocèse de Man et d’y conduire les activités pastorales, a indiqué le nonce apostolique dans un communiqué lu au clergé et aux fidèles réunis dans la cathédrale du diocèse. Dans l’intervalle, Mgr Gaspard Gneba est astreint à un « temps de repos pour un ressourcement spirituel ». Le nonce apostolique précisait toutefois qu’il ne s’agissait pas d’un éloignement du diocèse et du siège épiscopal », puisqu’à la messe, on évoquera seulement que le nom de Mgr Gaspard pendant la prière eucharistique.

Ces résolutions du Saint-Siège ont été prises après la visite apostolique effectuée au mois d’août dans le diocèse de Man par Mgr Roger Houngbedji, archevêque de Cotonou (Bénin) qui avait rencontré, à l’occasion, tous les protagonistes de la crise, ainsi que toutes les forces vives du diocèse.

Mgr Gaspard Beby, obligé de faire profil bas, avait alors remercié le pape pour « sa proximité, son attention, sa délicatesse et tout le processus de paix et de réconciliation » qui a été mené. Mais « la Fraternité des prêtres du diocèse de Man » ne s’en laissait guère conter. Déçue, elle regimbait même dans un communiqué que « cette orientation ne répond ni aux aspirations légitimes des fidèles ni à l’exigence de paix, d’unité et de réconciliation attendue pour la vie du diocèse » et qu’en conséquence, « la Fraternité des Prêtres du Diocèse de Man » entendait appliquer « strictement » ses dix résolutions symbolisant la rupture de collaboration pastorale avec l’évêque de Man.

 

La double vie des prêtres

En conséquence, lorsque le 31 décembre, leurs porte-paroles ont pondu une déclaration dans laquelle ils donnaient des gages de la fin de la crise et demandaient pardon à tous les chrétiens qui ont souffert de cette crise, leurs mandataires n’ont pas tardé à réagir. Pour l’un d’eux qui s’est confié à Mondafrique, les revendications de « la Fraternité » sont encore « sur la table. Et nous attendons l’arrivée ou la première déclaration de l’administrateur apostolique pour voir si nous pouvons, en ce qui le concerne particulièrement, collaborer avec lui ou pas. En attendant, nos dix résolutions sont maintenues ». A savoir, « plus de collaboration avec Mgr Béby. On ne veut plus de lui comme Evêque dans le diocèse de Man et il ne mettra pas les pieds dans les paroisses où se trouvent les prêtres signataires du mémorandum », a-t-il résumé.

Il y a quelques jours, un laïc se fendant d’une tribune dans « lemondeactuel.com », un média ivoirien, a dénoncé des prêtres syndicalistes dont le comportement attriste Dieu. C’est peut-être l’arbitrage de celui-ci qui peut encore sauver les apparences dans le Diocèse de Man où le vrai enjeu de cette crise semble avant tout : comment laver l’affront de la double vie que mènent les prêtres du diocèse ?

 

 

 

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