Ces ivoiriens qui luttent contre l’expropriation de leurs terres

Des communautés ivoiriennes ont mandaté des avocats belges pour faire entendre leurs revendications au siège de la multinationale SIAT en Belgique, afin d’être indemnisées pour les préjudices causés par l’expropriation de leurs terres.

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L’affaire aurait pu se dénouer depuis 2011 en Côte d’Ivoire. C’est finalement vers Bruxelles que les communautés de la préfecture de Prikro, en Côte d’Ivoire, envisagent de faire entendre leurs voix au siège de la société belge SIAT.

Les requérants ivoiriens soutenus par des organisations européennes de défense des droits humains belges dont FIAN Belgium et Entraide et fraternité ont mandaté des avocates belges pour défendre leurs droits, lundi 9 septembre à Zaventem, au siège de SIAT.

1,6 million d’euros de réparation

L’entreprise belge SIAT produit du caoutchouc et de l’huile de palme, singulièrement en Afrique de l’Ouest, où elle est accusée par des communautés villageoises de Prikro, dans la région de l’Iffou, d’avoir accaparé des terres, contribué à la déforestation du couvert forestier local et porté atteinte à la sécurité alimentaire, ainsi que de diverses autres violations de droits humains », selon un communiqué. En réponse, ces organisations de droits de l’homme demandent que les communautés ivoiriennes soient indemnisées à hauteur de 1,6 million d’euros en réparation des préjudices causés par SIAT dans ses plantations de palmiers à huile et d’hévéa.

Tout est parti de l’année 2011 qui marque officiellement la fin de crise post-électorale ivoirienne. SIAT prend alors attache avec les nouvelles autorités pour négocier un accord-cadre avec l’Etat. Ce dernier accepte et immatricule à son propre nom une superficie de 11.000 hectares dont 5 000 hectares au groupe belge sous forme de bail emphytéotique.

Cette acquisition ne plaît pas auxdites communautés et provoque des tensions dans la région de Prikro. « La volonté de SIAT de s’emparer de ces terres coûte que coûte a engendré une crise sociale, juge d’ailleurs Nahounou Daleba. Chargé de la justice sociale au sein de l’association Jeunes volontaires pour l’environnement, celui-ci a régulièrement joué un rôle de médiateur et accompagné le plaidoyer avec toutes les personnes impactées par l’entreprise SIAT. D’un côté entre celles qui sont favorables à l’installation de SIAT, et qui espéraient un développement économique de la région, et les autres qui y étaient opposées parce qu’elles ne voulaient pas, par principe, perdre leurs terres. De l’autre, entre SIAT et les communautés opposées, lesquelles ont manifesté à plusieurs reprises entre 2013 et 2015.

Deux morts  et soixante dix détenus

Les forces de l’ordre sont intervenues avec le renfort des vigiles de l’entreprise SIAT. Cette répression a « mené à la mort de deux personnes et causé l’arrestation et la détention arbitraire de plus de 70 personnes », a expliqué le communiqué des organisations des droits de l’homme belges.

Une fois que les populations ont été réduites au silence, SIAT a rasé les terres et détruit les champs d’anacarde et de produits vivriers cultivés par les villageois. En retour, elle y a planté ses propres cultures, notamment l’hévéa. SIAT n’a pas non plus honoré ses promesses de création d’emplois, accusent les plaignants, si ce n’est d’avoir créé quelques postes de nettoyage des terres alloués à de jeunes pousses d’hévéa. Conséquence, la majorité des villageois de Prikro se sont retrouvés sans travail et sans terre. « Il y a eu un appauvrissement généralisé de nos communautés », a expliqué au Monde, Sinan Ouattara, porte-parole d’Akou Moro II habitant de Prikro.

L’accord passé avec l’Etat stipulait pourtant que 2.000 des 5.000 hectares devaient être consacrés à des cultures d’hévéa pour les villageois eux-mêmes et à des cultures vivrières. Mais l’entreprise belge n’a jamais rempli cette condition, a démenti Florence Kroff, chargée de recherche et plaidoyer à FIAN Belgium. Le groupe belge n’a pas non plus effectué d’étude d’impact environnemental et social avant le début de ses activités, une omission illégale à la fois en droit européen et ivoirien.

SIAT, une société en difficulté

Le groupe SIAT qui a des problèmes financiers s’est vu contraint d’arrêter l’exploitation des terres concernées avant que ses jeunes pousses d’hévéas ne soient parvenues à maturité. Conséquence, en mars 2024, la famille belge Vandebeeck, fondateur de l’entreprise SIAT et actionnaire majoritaire via la holding Fimave, a vendu ses parts au conglomérat nigérian Saroafrica, qui détient désormais 86 % du groupe belge.

Les mêmes ont également décidé en 2022 de fermer leur filiale ivoirienne à Prikro et de céder son bail emphytéotique sur les 5 000 hectares à son créancier. Depuis, les plantations sont gardées par les vigiles de NSIA, qui n’exploite pas les terres mais cherche activement … un repreneur. Les communautés impactées ont donc choisi de s’adresser, ce 9 septembre ,à l’entreprise SIAT  avant d’envisager de porter l’affaire devant la justice de Bruxelles qui a compétence d’extraterritorialité.

Contactés par notre confrère « Le Monde », ni le groupe SIAT, ni la banque NSIA n’ont donné suite aux demandes d’interview

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