Afrique, l’obésité passe pour un signe de prospérité

En Ouganda, les banques prêtent plus volontiers aux gens corpulents. Ailleurs en Afrique, les programmes anti obésité se heurtent à des stéréotypes culturels

En Ouganda, la minceur se confond avec la pauvreté

Mais en Ouganda, l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, la minceur se confond avec la maigreur et la pauvreté. Près de la moitié des Ougandais n’a pas son content de calories. A l’inverse, l’obésité est perçue comme un marqueur de richesse. Et des bourrelets sur l’estomac peuvent aider à obtenir un prêt bancaire comme l’indique une étude à paraître dans The American Economic Review.

Cette nouvelle étude souligne que quand l’argent manque, l’information manque également. Si bien que les banques ont souvent du mal à déterminer la solvabilité d’un emprunteur « Compte tenu de la rareté des informations concrètes ou de la difficulté d’y accéder dans les pays pauvres, les signaux de richesse, – y compris l’obésité -, jouent un rôle crucial quand une personne cherche à évaluer le revenu d’un autre », affirme Elisa Macchi, auteur de l’étude et professeure adjointe d’économie à Brown University.

Mme Macchi a effectué des tests auprès de 238 responsables de crédit dans 146 institutions financières de Kampala, la capitale de l’Ouganda. Elle leur a demandé d’examiner des demandes d’emprunts fictives accompagnées de photographies non moins fictives de personnes minces ou grosses. Alors qu’une demande de prêt est très souvent illustrée d’une photo du demande, les candidats obèses sont perçus plus favorablement que les autres. « La prime d’obésité jouait le même rôle que la possession d’une voiture », affirme l’étude.

Dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest, la société et plus particulièrement les hommes célèbrent les rondeurs, voire carrément l’obésité. Les femmes ingurgitent donc des milliers de calories chaque jour pour grossir et plaire.

Mauritanie, les jeunes filles gavées

Au plan culturel, la corpulence demeure une donnée prisée dans certaines régions d’Afrique subsaharienne. En Mauritanie par exemple, il était coutumier de gaver les jeunes filles comme on gavait les oies en France pour produire du foie gras. La graisse était considérée comme un signe de richesse familiale et un idéal culturel.

Mais au-delà de ces critères culturels, l’obésité est aussi un risque sanitaire des pays pauvres. La facilité d’accès à des aliments bon marché, riches en graisses et en sucres et à faible valeur nutritive permet de satisfaire la sensation de faim au détriment de la santé.

Dans les pays en développement aussi, les changements de régime alimentaire, le manque d’activité physique et les transports en commun, notamment dans les villes, contribuent à la prise de poids.

« L’Afrique est confrontée à un problème d’obésité croissant », a déclaré l’année dernière Matshidiso Moeti, directeur régional de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique. « Si rien n’est fait, des millions de personnes, y compris des enfants, vivront moins longtemps et en mauvaise santé. »

L’ Organisation mondiale de la santé et d’autres organisations internationales ont mis en place des programmes au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda pour lier ensemble  perte de poids, santé et activité physique. Mais ces programmes se heurtent à de stéréotypes culturels qui associent la graisse et la prospérité économique.

En Ouganda, quand des informations solides comme le revenu, la preuve d’une activité professionnelle sont fournies, les organismes de crédit cessent d’utiliser le critère d’obésité.

« Les habitudes culturelles qui lient la richesse au poids ne sont pas si enracinées qu’il y parait » affirme Mme Macchi. « Dès que l’information passe, alors ils y répondent. »