Un cessez le feu précaire au Nord Mali

Le 23 mai, le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz en visite à Kidal dans le nord du Mali a obtenu la signature d’un cessez-le-feu entre le pouvoir central de Bamako et les groupes armés du Nord. Cette médiation laisse sceptique quant à ses chances de déboucher sur une paix durable. Allié des communautés arabes et touareg maliennes du nord, le président Aziz cherche avant tout à étendre sa zone d’influence.

Après s’être longtemps maintenu à l’écart des négociations censées ramener le calme au Mali, le chef de l’Etat mauritanien et président de l’Union Africaine, Mohamed Ould Abdelaziz est aujourd’hui sous le feu des projecteurs. Sa visite du 23 mai à Kidal a débouché sur un accord de cessez-le-feu signé par les deux camps adverses : groupes armés du nord et gouvernement de Bamako. Le président mauritanien est pourtant loin d’avoir toujours été en première ligne sur le front malien.

Nouakchott, base arrière des rebelles

Considérée par la France comme un allié dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, la Mauritanie était aux abonnés absents lors de l’intervention Serval au Mali. Aucun contingent mauritanien n’a été envoyé pour combattre avec les français. Et pour cause, les Maures qui dirigent le pays entretiennent de nombreux liens avec les communautés arabes et touareg du Nord du Mali à la peau claire. Pas question pour le président Aziz de mettre à mal ces alliances tribales traditionnelles, qui sont l’ossature de son pouvoir.

Les connivences du chef d’Etat mauritanien avec les mouvements du nord Mali ne sont d’ailleurs un secret pour personne. A Nouakchott, le MNLA possède un bureau exécutif qui a pignon sur rue. Son jeune porte parole Attaye Ag Mohamed donne entretien sur entretien et informe les diplomates sur place des évolutions au nord Mali. Passionaria des indépendantistes touareg et grande figure du MNLA, l’ancienne conseillère territoriale de Kidal, Nina Wallet Intalou est également installée à Nouakchott. Elle est notamment proche du chef militaire Mohamed ag Najim qui a pris part aux négociations du 23 mai.

En fait de solidarité avec ses protégés, le président Aziz avait même donné son feu vert pour accueillir sur son territoire en août 2013, une réunion des mêmes groupes rebelles signataires des récents accords de cessez-le-feu : le MNLA (Mouvement national de libération de L’Azawad), le HCUA (Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad) et le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). Une manœuvre qui à l’époque avait provoqué l’ire du président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) tout juste élu. Celui-ci n’a d’ailleurs pas pris la peine d’inviter son homologue mauritanien à sa cérémonie d’investiture, tendant un peu plus les relations entre Nouakchott et Bamako. Aujourd’hui, à la liste des militants indépendantistes s’ajoutent les centaines de milliers de réfugiés maliens qui comptent parmi eux de nombreux soutiens aux rebelles.

Cerise sur le gâteau, selon le journal Malijet.com, d’importantes quantités d’armes ayant servi aux membres du MNLA contre l’armée malienne lors des affrontements qui ont éclaté à Kidal le 17 mai auraient été livrées depuis de la Mauritanie.

Zone d’influence

Difficile dans ces conditions de croire qu’un règlement durable du conflit puisse émerger de l’intervention du président mauritanien, élevé au rang de « sauveur » du Mali. D’autant qu’aucun compromis n’a été trouvé sur l’autonomie de la zone nord du Mali, revendication majeure des mouvements rebelles. Sur cet échiquier, le président Aziz joue avant tout aujourd’hui sa propre carte. L’incapacité de la France à stabiliser le pays et la duplicité dont elle a fait preuve en soutenant à la fois l’armée malienne et le MNLA lui offrent l’occasion de se saisir du dossier et de s’imposer comme un acteur de poids dans la région. A moins d’un mois des élections présidentielles dans son pays, cette démonstration de force à la tête de l’Union africaine tombe à pic pour le président mauritanien. Aziz est par ailleurs un bon joker pour Paris qui souhaite que le gouvernement malien fasse aujourd’hui plus de concessions vis-à-vis du MNLA.

En s’appuyant sur ses bonnes relations avec les mouvements rebelles touareg, le chef d’Etat mauritanien espère en tout cas damer le pion à l’Algérie et au Maroc qui ont échoué à ramener le calme au nord Mali, un territoire qu’il considère comme sa zone d’influence. On dit même que dans ses rêves les plus fous, Aziz se voit annexer les provinces Nord de son voisin malien.