En ce jour de fête de son indépendance en 1956, la Tunisie n’en finit pas de vivre sous le joug d’une répartition des pouvoirs qui n’est pas de nature à contrer efficacement la propagation du nouveau Coronavirus.
Une chronique de Wicem Souissi
Les successeurs de Ben Ali ont mis au point un système de gouvernance ingérable: Un chef de l’Etat, élu au suffrage universel direct, pour présider aux Relations extérieures, à la Défense et à la Sécurité nationales, un président du gouvernement, issu, lui, d’un vote de confiance d’un Parlement résultant lui-même d’un scrutin proportionnel condamnant l’émergence de toute majorité claire et dont le président, du fait qu’il participe régulièrement aux décisions de sécurité nationale, prend des proportions d’importance régalienne allant au-delà de sa position législative. Le tout dans un concert de concurrence politicienne des prérogatives de chacun, et qui se traduit par les effets pervers d’une gestion en apparence tricéphale, mais qui est en réalité une réduction de l’Etat à un monstre acéphale, sans tête.
C’est clair, on l’a constaté dans la lutte contre le Covid19, les discours successifs chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, et du président de la république, Kaïs Saïed, résultent d’un chevauchement de compétences conduisant le premier à dire des banalités et le second à tenter de faire montre de hauteur, à vrai dire bancale, en décrétant un couvre-feu de 18h à 06h, avec, conséquence anti-sanitaire, une affluence d’enfer dans des transports publics totalement insuffisants.
Vents économiques libéraux du temps, 23 ans, du tombeur de Bourguiba, impéritie manifeste et hostilité idéologique à l’Etat sous les gouvernements, depuis 2011, de fait sous l’empire des islamistes d’Ennahdha, ces années successives de destruction des structures étatiques, de services publics, éducatif et de santé, conduisent à un constat: en plus de l’acéphalisme de l’Etat, c’est sa réduction à la portion congrue qui concourt à l’affaiblissement des moyens de combat contre la menace d’une pandémie et partant le risque y afférent de crise économique sans précédent.
Cela ne veut pas dire que les Tunisiens sont dépourvus de résistance: les compétences, dans tous les champs mobilisés, et la solidarité sont d’ores et déjà à l’œuvre, dans les conditions décrites, avec la perspective laissée encore en suspens d’un confinement total. Mais il y a tout lieu de prendre la mesure de la restructuration nécessaire du système constitutionnel de partage des pouvoirs exécutifs, une dyarchie désastreuse, et législatif, à cantonner dans son propre domaine, pour qu’à l’avenir l’on ne soit plus confrontés à ces incertitudes ces imprécisions, visibles au sommet de l’Etat. Qu’à quelque chose malheur soit bon !