L’attentat terroriste en Côte d’Ivoire qui a succédé aux attaques perpétrées au Burkina Faso et au Mali a mis un coup de projecteur sur la réalité du terrorisme africain qui s’est développé dans la bande sahélo soudanaise. Du Nigéria à la Somalie, en passant par le Mali, le nord du Cameroun, le Niger, le Tchad et la Libye.
A l’est, les Shebabs somaliens ont fait la démonstration de leur puissance en attaquant le palais présidentiel. Ils maintiennent dans le pays et la région une insécurité permanente qui se manifeste sur terre comme sur mer. Cette corne de l’Afrique est également déstabilisée par la guerre au Yémen engagée contre Al Quaïda
Au centre du continent, le Mali. Déjà menacé par les autonomistes Touaregs, les djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et d’al-Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar, le Mali est également confronté au radicalisme peul du Front de libération du Macina (FLM). Ce groupe armé est composé d’anciens du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et d’éléments d’Ansar Dine.
De nouveaux groupes
Nouveau venu dans la galaxie terroriste, le FLM a été lancé en janvier 2015 par un prêcheur radical du nom d’Hamadoun Koufa. Donné un temps mort lors de l’intervention française de 2013 il veut rétablir l’empire peul du Macina, un régime théocratique de la fin du XIXème siècle, il opère dans une région peuplée majoritairement par les Peuls. Son terrain d’action s’étend de la frontière mauritanienne à celle du Burkina Faso.
Alors que les capitales occidentales prennent cette menace peule très au sérieux, et cherchent à comprendre l’histoire du FLM, son mode d’action, ses liens avec les autres groupes armés, ses motivations politico-religieuses et son ambition territoriale, c’est AQMI qui a frappé au Radison de Bamako.
La concurrence entre les différents groupes terroristes s’explique notamment par l’objectif de contrôler les routes de la drogue, des cigarettes, de l’ivoire, de rhinocéros, de tous les trafics et le partage de ses gains. Des petits avions se posent régulièrement au centre du pays. La valeur de la cocaïne ayant transité en dix ans dans le désert aurait atteint les 15 milliards de $, et entrainerait un péage de transit de 10%. Avec 1,5 milliards de $, l’enjeu est de taille !
La pieuvre Boko Haram
Ce tour d’horizon terroriste se termine avec la terrible secte islamiste Boko Haram s’est affiliée à l’Etat islamique, et a proclamé un «califat» dans les zones sous son contrôle dans le nord-est du Nigeria. Boko Haram s’est illustré dans l’enlèvement de fillettes qui sont après mariées de force ou vendues comme esclaves… Mais ses actions ne se limitent pas à ces seules exactions. Depuis le début de l’insurrection islamiste en 2009, plus de 13 000 morts ont été dénombrés. Pour la seule année de 2014, selon « the Global Terrorism Index », un rapport publié chaque année par l’« Institute for Economics and Peace » de New York, 6 664 victimes de Boko Haram ont été enregitrées contre 6 073 par Daesh.
Par ailleurs, Boko Haram ne se cantonne pas au seul Nigéria, et menace le Bénin, le Niger, le Tchad et le Cameroun.
Le Cameroun s’est mis en pointe pour la mobilisation régionale contre le mouvement nigérian. Son président Paul Biya a pris la tête de la riposte et de la lutte contre le terrorisme. Avec sa conviction selon laquelle « cette lutte ne peut pas être dissociée des autres guerres dans le monde », il a été l’initiateur du premier sommet régional consacré à la sécurité en 2012.
L’objectif affiché par le Président Paul Biya est « la mutualisation des moyens avec nos voisins, la mise en place d’une force multinationale mixte de l’Union Africaine, et l’appui appréciable des puissances amies dont la France… »
Cette mise en avant focalise les représailles de Boko Haram. En début d’année 2015, le chef du groupe islamiste Abubakar Shekau, dans une vidéo postée sur Youtube, s’en est violemment pris au président camerounais. «Paul Biya, si tu ne mets pas fin à ton plan maléfique, tu vas avoir droit au même sort que le Nigeria (…) Tes soldats ne peuvent rien contre nous…»
Fotokol, à proximité de la frontière avec le Nigéria est la cible régulière d’attaques, y compris avec des bombes humaines, des prises d’otages, des attaques au couteau. Les violences de Boko Haram ont conduit les habitants à se défendre dans le cadre d’un comité de vigilance qui contrarie les interventions du groupe. Cette situation entraine des déplacements de populations qui entrainent de nombreuses perturbations,. Qui plus est les islamistes nigérians trouvent des complices parmi les déplacés.
Les terroristes n’ont pas hésité à s’en prendre à une base militaire à Kolofata, dans l’extrême-nord pays, en représailles aux attaques de l’aviation camerounaise et au déploiement de l’unité d’élite camerounaise, le Bataillon d’intervention rapide (BIR) qui a réussi à infliger de très lourdes pertes aux terroristes. Au cours d’une opération, la BIR aurait tué 143 terroristes et saisi un important arsenal de guerre. Et le Cameroun est engagé dans un cycle d’actions/réactions, et de représailles.
C’est pourquoi, il faut aider le Cameroun et tous les pays africains à lutter contre ce fléau. Si nous ne réagissons pas, ne nous étonnons pas que nous voyons grossir le flot des migrants…après les exilés politiques, les émigrés économiques, les fuyant le terrorisme, et demain les migrants climatiques…
Le rôle de la société civile
Si l’on attaque l’Etat islamique en Syrie, en Irak il faudra penser aussi venir aider l’Afrique pour éradiquer le terrorisme partout.
Au moment où l’Etat islamique enregistre des revers militaires importants, et s’aperçoit qu’il ne peut survivre dans un combat frontal de deux armées, il reprend la voie du terrorisme dans le combat asymétrique contre des Etats et des armées organisés.
Faisons attention aux vases communicants. En effet, les terroristes risquent de s’en prendre aux maillons faibles, aux pays les plus vulnérables…et de se retrouver en Afrique, soit pour y commettre des attentats, soit pour s’y réfugier. Anticipons tout déplacement de la terreur. Combattons le terrorisme partout où il se trouve, et notamment en Afrique.