Service minimum pour Macron à Alger

L’escapade d’Emmanuel Macron en Algérie, ce mercredi 6 décembre, ne durera que quelques heures. Le temps d’aborder la question prioritaire pour le président français de la sécurité au Sahel.

L’heure n’est plus aux relations privilégiées entre Paris et Alger telles qu’Emmanuel Macron les avait laissées entrevoir lorsqu’il s’était rendu en Algérie pendant la campagne présidentielle, porté par un discours courageux sur les responsabilités françaises dans les crimes du colonialisme. Attendu demain jeudi au Qatar, le président français ne passera que quelques heures dans la capitale algérienne, lors d’un déplacement présenté de part et d’autre comme une simple « visite de travail »!

Cette formule minimaliste retenue arrange les deux capitales. A Alger, une visite d’Etat protocolaire aurait mis mal à l’aise les autorités algériennes », compte tenu, note le quotidien « El Watan », « des difficultés évidentes du président Bouteflika d’assumer les charges d’un protocole laborieux et exigeant du fait de sa maladie. » Autant dire que le chef d’Etat algérien devenu l’ombre de lui même, n’est évidemment plus à même de recevoir les hôtes étrangers.

Prudence de la France

Du coté français, personne ne souhaite non plus que le séjour s’éternise. En privé, Emmanuel Macron ne se privait pas de dire, ces dernières semaines, qu’il « n’irait à Alger, tant que les deux Présidents ne sont pas en mesure de tenir une conférence de presse commune ». Pourquoi l’Elysée prendrait-il date avec un chef d’Etat dont les jours politiques sont comptés et qui n’a en rien préparé sa succession?

Espérons simplement qu’Emmanuel Macron ne commettra pas le même faux pas que son prédécesseur François Hollande, qui en sortant d’une rencontre avec Bouteflika, avait confié à la presse combien le président algérien était en pleine possession de ses moyens.

Le Sahel, seul véritable enjeu

Pour autant, Emmanuel Macron ne pouvait pas se priver d’une telle échappée à Alger. Ne serait-ce que pour ne pas donner prise aux reproches récurrents des Algériens de favoriser le frère ennemi marocain, Mohammed VI.

Surtout la seule obsession de l’Elysée dans cette partie du monde est échapper au guépier malien et plus généralement de remettre les clés de la sécurité au Sahel aux chefs d’Etat africains du G5, ce groupe d’Etat qui comprend le Niger, le Mali, le Burkiba, la Mauritanie et le Tchad. L’objectif est autant financier, réduire la note salée des « opérations extérieures » de l’armée française, que stratégique. Comme Emmanuel Macron l’a affirmé à Ouagadougou et à Abidjan, il s’agit de refonder le partenariat entre la France et l’Afrique sur d’autres bases que militaires. Le malheureux ministre des Affaires Etrangères, Jean yves Le Drian, qui participe au voyage en Algérie, devra assister en direct à l’enterrement de la politique qu’il menait au ministère de la Défense sous le règne de François Hollande.

La certitude d’Emmanuel Macron est qu’il a besoin d’Alger pour jeter les bases d’une nouvelle politique sécuritaire. Or la force anti terroriste que la France et l’Europe tentent de mettre en place à travers le G5 peine à trouver ses marques notamment parceque l’Algérie, puissance militaire dominante de la région, n’a pas vraiment appuyé l’initiative. Autre illustration du role central de l’Algérie, les accords de paix qui ont été signés à Alger en 2015 entre le pouvoir de Bamako et les groupes armés du Nord Mali ne seront vraiment appliqués là encore qu’avec la bénédiction de l’Algérie.

L’entrevue qu’Emmanuel Macron aura avec l’actuel Premier ministre Ahmed Ouyahia, qio est aussi un ancien ambassadeur à Bamako, pourrait bien le point d’orgue de cette rapide visite de travail en Algérie.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)