Le cœur de la stratégie présidentielle 2024 de Macky Sall, qui n’a toujours pas dit qu’il était candidat, c’est bien la neutralisation judiciaire de ses opposants les plus emblématiques.
Mieux que quiconque le président sortant sénégalais sait le bénéficie politique qu’une instrumentalisation de la justice peut apporter. Il avait fait emprisonner, en 2018, pour détournement des deniers publics son principal rival Khalifa Sall, alors de Dakar, pour l’écarter de la présidentielle prévue une année plus tard. Après sa réélection confortable, Macky Sall a accordé sa grâce l’ex-maire de la capitale sénégalaise. On ne change pas une recette qui marche : pour 2024, le président mobilise la même méthode contre Ousmane Sonko.
Arrivé troisième lors de la dernière présidentielle de 2019, Sonko a conforté son épaisseur politique avec la forte progression de ses partisans aux législatives de juillet 2022 (56 sièges sur 165) ainsi que sa victoire haut la main à la mairie de Ziguinchor, en Casamance (région méridionale), face à Abdoulaye Baldé, dinosaure de la vie politique sénégalaise, plusieurs fois ministre sous Abdoulaye Wade. Plus que l’avis du Conseil constitutionnel sur la légalité d’une candidature de Macky Sall à un troisième mandat, les partisans du président sortant redoutent le maintien du leader des PASTEF dans la course.
Deux dossiers pour le prix d’un
Deux dossiers judiciaires ont donc opportunément été montés pour avoir sa peau. Derrière une simple affaire de diffamation opposant M. Sonko à Mame Mbaye Niang, est apparue une vraie stratégie d’obstruction de la candidature de Sonko. Contre l’avis du procureur du tribunal de Dakar, qui avait requis deux ans de prison dont un an ferme, le juge a condamné le 30 mars dernier l’opposant à deux mois de prison avec sursis et 200 millions de FCFA (300 000 euros) d’amende. La sentence, qui laisse Sonko toujours éligible, a provoqué vive colère et branle-bas de combat dans les rangs du pouvoir qui a instruit le procureur de faire appel du jugement pour appuyer un premier appel déjà formé par le ministre Mbaye Niang, un fidèle de Mack Sall.
Dans la volonté d’en finir au plus vite, le parquet général de la Cour d’Appel de Dakar n’a même pas attendu la fin, le 29 avril 2023, de la période accordée aux parties, y compris Sonko, pour se prononcer sur la décision de première instance. Pour les avocats de Sonko, convoqué pour être rejugé ce lundi 17 avril, soit 12 jours avant la fin du délai légal accordé aux parties pour faire ou non appel, cette précipitation du parquet général, soumis hiérarchiquement au ministre de la justice, est la preuve de l’existence d’un agenda d’élimination politique de Sonko.
« Tout sauf Wade »
La posture actuelle du président Sall est d’autant plus incompréhensible qu’il avait lui-même combattu en 2012 la candidature d’Abdoulaye Wade à un troisième mandat. Déchu de poste de président de l’Assemblée nationale pour avoir « osé » envisager de se présenter à la présidentielle, Macky Sall avait bénéficié du « Tout sauf Abdoulaye Wade ».