Les secrets de la longévité algérienne

Sous l’ombrelle du puissant groupe Axa, l’Institut Montaigne qui regroupe des cadres d’entreprises, de hauts-fonctionnaires, des universitaires tente de réfléchir sur les secrets de la longévité du régime algérien. Le rapporteur en est l’agrégé de géographie, Hakim El Karoui qui a enseigné à l’université Lyon II avant de rejoindre le cabinet du Premier ministre français, Jean Pierre Raffarin, en 2002 où il montra quelques tendresses coupables pour le régime autoritaire du président tunisien Ben AlI.

La teneur fort pauvre en idées et éclairages nouveaux sur « la boite noire » qu’est devenu le pouvoir algérien démontre, s’il en était besoin, l’absence d’expertise aujourd’hui du coté français sur le grand voisin algérien. Peu importe à un El Karoui, super beurgeois de la République, qui cherche avant tout à se placer dans la nouvelle donne politique qui est apparue en France depuis l’élection d’Emmanuel Macron qu’il croisa à la banque Rothschild. La situation algérienne comme l’Islam qu’évoque dans quelques chroniques médiatiques un El Karoui bien pensants, ne sont que des hochets qu’il agite face aux nouveaux décideurs français pour se faire sa place au soleil élyséen.

Un appareil sécuritaire « développé »

A mots couverts, le constat convenu qu’il dresse dans ce rapport aligne les platitudes. A savoir que “si la société algérienne est en effet traversée par de nombreuses fragilités, notamment au niveau économique, le pays connaît une relative stabilité depuis la fin de la guerre civile en raison notamment d’un équilibre subtil entre redistribution de la rente pétrolière et contrôle de la société civile par un appareil sécuritaire extrêmement développé“. Dont acte…L’Algérie possède du pétrole et sa colonne vertébrale est une institution militaire, colonne vertébrale du régime depuis l’Indépendance.

Ce même rapport qui vise, rien que cela,  à évaluer la politique de la France dans le Monde Arabe note également que “le traumatisme de la  “décennie noire” “pourrait expliquer l’atonie de la société algérienne face à un État sécuritaire très puissant, critiqué par beaucoup mais jamais sérieusement remis en cause depuis l’offensive islamiste au début des années 1990”. En d’autres termes moins diplomatiques, le peuple algérien choqué par les 100000 à 150000 morts des années 1990, lorsque les islamistes avaient basculé dans la violence politique, aspire profondément à la paix civile. Ce que l’actuel président Bouteflika, qui fut élu en 1999 à la tète de l’Etat, a parfaitement compris, en initiant une paix civile qui a vu des milliers de maquisards reprendre le chemin de la vie civile.

Une crise pétrolière qui s’aggrave 

Cependant, nous révèe El Karoui, la survie du régime algérien n’est pas une certitude. Monsieur de la Palice en aurait dit autant. “Les deux piliers de la stabilité de l’État algérien que sont la redistribution de la rente et le contrôle de la société par l’appareil de sécurité sont toujours fragiles”, avertit ce rapport selon lequel “à l’instar des autres États rentiers, l’Algérie subit la chute des cours du pétrole, qui affectera ses capacités redistributives si elle dure trop longtemps”. Moins de pétrole égale moins d’argent, on le pressentait effectivement

La première hypothèse pour l’avenir immédiat, note le rapport, est celle  en un affrontement “entre les différents pôles de pouvoir (armée, services de renseignement, cadres du FLN, proches de l’ancien président)”. Ce scénario ne manquera de “déstabiliser durablement le système algérien dans son ensemble“, prévient ce rapport. Effectivement le pouvoir collégial algérien qui est toujours parvenu à trouver une solution ultime lorsque l’unité du pays était en danger est aujourd’hui miné par ses divisions internes. Ce n’est pas exactement une révélation. Ce qui aurait été plus neuf aurait été d’analyser la montée en puissance des oligarques dans le jeu institutionnel algérien face à l’institution militaire et face à la présidence.

D’autres éléments recueillis par les experts de l’Institut Montaigne mènent vers une autrelecture des futurs événements qui seront causés par la disparition d’Abdelaziz Bouteflika. Le rapport de l’Institut Montaigne note ainsi que cette crise de succession “pourrait aussi être un non-événement”. Il est vrai qu’avec l’Algérie, la solution retenue par les élites politiques et militaires algériennes pour sortir de situations bloquées n’est jamais celles que l’on avait imaginé. Que ce soit en 1964 (coup d’Etat de Boumedinne), en 1979 (intronisation du colonel Chadli), ou en 1992 (création du HCE collégial)! “Le pouvoir algérien depuis 1962 a toujours réussi à se succéder à lui-même, malgré les coups d’État (Boumediene contre Ben Bella) et les assassinats (Mohamed Boudiaf)“, analyse le même rapport. Certes mais quelles conclusions en tirer aujourd’hui en 2017?

“L’Algérie peut faire perdurer son système économique encore quelques années”, analyse encore ce rapport d’expertise, car le pays est encore “aujourd’hui très peu endetté”. Que l’Algérie n’ai plus que deux ans de réserves pour financer un budget structurelleemtn déficitaire, et sur une grande échelle, si on retire les ressources gazières et pétrolières, n’inquiète apparemment pas nos auteurs.

L’Institut Montaigne conclut enfin que “la principale menace qui pèse sur elle est moins connue: c’est l’épuisement de ses ressources gazières à l’horizon de dix ou quinze ans, ressources qu’elle comptait bien”. Le régime va-t-il réussir à relever donc ce défi pour préserver sa survie ? Le rapport n’apporte juste aucun éclairage sur cette question centrale.

L’Institut Montaigne qui a pondu d’excellents rapports, y compris certains très iconoclastes sur la question de l’immigration, devra revoir sa copie

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