Candidat à la présidentielle en Tunisie en très bonne position dans les sondages, l’homme d’affaires Nabil Karoui a été arrêté, le vendredi 30 aout, dans le nord-ouest du pays. Un grave dérapage dans un processus électoral pour l’instant parfaitement démocratique.
« Une quinzaine de voitures de police ont bloqué la route et se sont précipitées vers la voiture de Nabil Karoui avant que des policiers civils armés lui demandent de venir avec eux en disant qu’ils avaient des instructions pour l’arrêter », a déclaré Oussama Khlifi, un responsable du parti. Beaucoup à Tunis voient dans cette arrestation la main de Youssef Chahed, le Premier ministre tunisien lui aussi candidat au scrutin présidentiel du 15 septembre et qui vient officiellement de démissionner de ses fonctions pour se consacrer à la campagne électorale.
Cette arrestation préfigure-t-elle l’utilisation de l’appareil gouvernemental au profit de certains? La question se pose désormais à Tunis alors que la sélection des vingt six candidats autorisés avait été effectuée par l’instance concernée, l’ISIE, dans des conditions transparentes.
Début juillet, Nabil Karoui – ainsi que son frère Ghazi – avait été déja interdit par la justice de quitter le territoire tunisien et avait vu ses avoirs gelés. Accusé de montages financiers occultes, l’intéressé évoquait une manipulation politique.
Que Nabil Karoui paie ses impôts ou pas, le calendrier judiciaire tunisien parait taillé sur mesure pour l’écarter du scrutin du 15 Septembre, alros qu’il est apparemment très populaire.
Les partis politiques discrédités
Nabil Karoui, fondateur de la chaîne de télévision Nessma TV, dont la ligne éditoriale anti islamiste est sans états d’âme, a déclaré sa candidature, voici quelques mois, à la surprise générale. La cote du candidat non investi jusqu’à présent dans la vie partisane, n’a cessé d’augmenter pour atteindre les 32 % d’intentions de vote au début du mois mai 2019. L’opinion publique tunisienne déçue de l’action des partis politiques incapables d’obtenir de bons résultats sur le plan économique et social est en effet portée par un fort courant populiste. Le patron de Nesma a su se tourner vers cette Tunisie des oubliés, désormais majoritaire, qui a été ignorée par tous les gouvernements successifs de Bourguiba à Ben Ali et au delà.
La popularité de Nabil Karoui avait de quoi perturber ses rivaux, notamment le Premier ministre, Youssef Chahed, qui durant ces dernières années a utilisé à plusieurs reprises l’arme judiciaire pour discréditer, voire placer en détention, ses adversaires. Ces méthodes utilisées par un jeune chef de gouvernement ven récemment à la politique rappellent l’ère Ben Ali? Certes, nous ne sommes pas encore revenus aux années funestes où un dictateur choisissait lui même ses adversaires aux élections présidentielles et leur concédait des scores symboliques. Mais l’arrestation de Nabil Karoui reste un grave dérapage qui pourrait entacher le résultat des élections à venir.
Le chef de gouvernement et candidat aux Présidentielles, Youssef Chahed, serait il en train de se tromper d’époque?