Fait du prince, le mensonge d’État est aujourd’hui devenu un sport mondial relayé par la presse qui sert de chambre d’écho. Les informations inexactes[i] produites par les amis de Poutine comme par ceux de Biden se répandent comme de la poudre à canon, selon qu’il faut étouffer le feu ou bien l’attiser.
« À une vérité ténue et plate, je préfère un mensonge exaltant » Alexandre Pouchkine : Récits de Belkine »
L’art du mensonge a été généralisé par la mondialisation de l’espace économique et politique, où l’humanité se résume à un agglomérat d’individus dépersonnalisés. La presse s’est vu enfermée dans une recherche de la « viralité » par opposition, hier, à la rigueur. Il en est résulté différents empires de la Pensée Unique, chacun dans une caverne de Platon branchée sur le vaste monde par le seul accès aux audiences en ligne.
« À l’Ouest », il existerait une « société ouverte », selon le concept de Popper, fondée sur l’activité de la raison critique du philosophe Emmanuel Kant, et dans laquelle un Joe Biden serait un être intelligent, forcément intelligent, qui ordonne la marche du monde en fonction du meilleur. En dépit de l’individualisme ambiant, le mensonge est aux États-Unis un exercice collectif, quoique une prérogative présidentielle, à laquelle on doit la Guerre du Golfe, les attentats de septembre 2011, l’invasion de l’Irak, des printemps arabes, plutôt des hivers, dont les évènements tragiques de Syrie et les différentes dérives financières[ii] qui ont mis fin au règne du Dollar né des Accords de Bretton Woods de 1944.
La liberté d’expression est grande aux États-Unis, mais il existe un « accord informel » entre le gouvernement et la presse pour empêcher la publication d’articles sensibles concernant la sécurité nationale.
Mais « à l’Est » dans un système non démocratique et jalonné de forces obscures, il y aurait un Vladimir Poutine et ses oligarques du FSB (ex KGB), fantasmé à travers le prisme du complot. Eux incarneraient le mal et il faudrait les juger non pas sur leur volonté de puissance, mais sur des considérations plus aléatoires telles que la dangerosité des engins balistiques ou le degré de démence du chef.
Reste que la presse russe est censurée. La vérité y est aliénée. Ce n’est pas le monde que je souhaite adossé à un monceau d’incohérences et d’invraisemblances.
Deux menteurs professionnels
Entre un Poutine qui se ment à lui même et un Biden, autre super-menteur, le monde va mal. C’est au président américain que j’aimerais poser quelques utiles questions
« Dites-moi, président,, comment il est possible que les quantités de Gaz russe livrées en l’Europe, pendant que la Russie tapissait de bombes les villes du Donbass, n’aient pas cessé d’augmenter au cours des quatre dernières semaines. Et dites-moi par quelle banque américaine exonérée des sanctions la Russie s’est acquittée à bonne date des intérêts de sa dette souveraine. Dites-moi ce qu’il arriverait si la Russie devait se retirer du programme spatial commun et notamment de la Station spatiale internationale (ISS) ? »
–« Dites-moi, monsieur le président, à hauteur de quel volume et pour quelle durée, les gentils producteurs américains de Gaz de Schiste se sont engagés à vendre leur camelote aux pauvres européens et à quel prix ces derniers se sont à leur tour obligés à la leur acheter. Beaucoup. Très cher. Pour longtemps. C’est win-win ! Bon pour l’Amérique. Bien joué !
– « Dites-nous, enfin, combien de compagnies aériennes et combien de grandes banques européennes et combien de « grandes surfaces » et combien de groupes industriels du continent sont susceptibles de faire faillite faute de pouvoir rester en Russie, d’être approvisionnés en Gaz naturel russe à bon marché et d’être payés de quoi que ce soit, même en Roubles… »
Revenons sur terre.
L’Union Européenne ne peut pas se passer de Gaz naturel russe avant longtemps. Il n’y aura pas assez de substitut en Europe à cette énergie sous forme gazeuse tant que des bateaux ne seront pas réunis en nombre suffisant pour le transporter et surtout tant que les terminaux dotés d’installations de dé-liquéfaction capables de recevoir du LNG n’auront pas été construits. Et cela prendra entre 5 et 10 ans.
Il faut relire Machiavel pour comprendre les Russes : « Il faut au Prince avoir l’entendement prêt à tourner selon les vents de fortune… et ne pas s’éloigner du bien, s’il peut, mais savoir entrer au mal s’il y a nécessité » ; il faut aussi avoir écouté Étienne Borne il y a 65 ans, dire : « Le propre du mal tient en ceci qu’il ne peut être nommé, pensé, vécu qu’en relation avec une certaine idée du bien ».
Le concept d’extraterritorialité imposé par le Droit américain est d’autant plus insidieux qu’il reste flou et en tout cas éloigné de l’esprit d’universalité d’un Lesseps ou d’un Coubertin.
[i] Gouverner par les FAKE NEWS, conflits internationaux : 30 ans d’intox utilisées par les pays occidentaux – Jacques Baud – 398 p. Ed. Max Milo
[ii] https://wikileaks.org/gifiles/docs/20/207972_-analytical-and-intelligence-comments-it-suggests-that.html